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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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serait-il pas touché d’une pareille générosité ? J’ai maintenant confiance, et si nous réussissons, je serai, sachez-le, votre obligé à tous deux tant que j’aurai un souffle de vie ! » Alors, sans plus attendre, ils se mirent en route vers le gué où Cadret projetait d’affronter son rival.
    « Seigneur, dit soudain à Gauvain la jeune fille à l’épervier, Dieu m’est témoin : j’éprouve une telle faim que tu me verras bientôt enrager ; si je ne puis au plus tôt manger ne fût-ce qu’un morceau de pain, je rongerai mes propres mains ! Personne n’a jamais été si affamé que moi en ce moment ! » Ce discours contraria extrêmement Gauvain. « Belle, dit-il, il nous est impossible ici de rien nous procurer qui puisse calmer ta faim. De plus, tu le sais, nous ne pouvons nous attarder. Espinogre et moi devons sans délai nous joindre à ce chevalier. Nous lui en avons fait la promesse, et il serait malséant de lui manquer dans le besoin qui le presse. Je t’en prie, prends ton mal en patience, jusqu’à la conclusion de l’aventure.
    — Je ne serai pas folle au point, répliqua-t-elle, de t’accorder ce que tu demandes. Mon agrément d’abord, quelque désagrément qu’il en puisse résulter pour d’autres, et tant pis pour qui le déplore et qui s’en offense {13} . Crois-moi, je te prie, je n’affecte rien ; la faim qui me dévore est encore pire que je ne dis. On m’offrirait des pièces d’or ou d’argent pour l’endurer jusqu’à midi que je les refuserais, je te le dis tout net. D’ailleurs, je me trouve sous ta protection, et ce serait commettre grande vilenie que de me refuser ce que je demande. Si je meurs, ce sera ta faute, et tu en porteras la honte !
    — Fort bien, dit Gauvain, mais où pourrais-je trouver la nourriture que tu demandes ? – Seigneur, repartit-elle, j’ai déjà séjourné dans ces parages et repéré, là-bas, en face, une forteresse un peu au-delà de ce vallon, à une lieue et demie tout au plus. Jamais de ta vie tu n’auras vu tant de superbes tours et de salles magnifiques que n’en comporte celle-ci. Tu la trouveras en traversant ce bois, sur le flanc de la montagne. Et là, si tu m’y mènes, abondent toutes les victuailles dont on peut rêver quand on a faim. – L’âne ploie sous l’excès de sa charge, à ce que j’ai entendu dire ! maugréa Gauvain à voix basse. Mais puisqu’il en est ainsi, je n’ai d’autre choix que de t’accompagner jusque-là. » Puis il se tourna vers Espinogre : « Cher ami, dit-il, je me réjouis que tu portes un cor pendu à ton col. Écoute attentivement ceci : tu vas poursuivre avec Cadret vers le lieu de la rencontre, et s’il vous est besoin de moi, tu sonneras quatre fois de ton cor. Je l’entendrai et, sitôt notre compagne rassasiée, je vous rejoindrai de toute la vitesse de mon cheval. – Fort bien, dit Espinogre, puisque nous ne pouvons faire autrement. »
    Gauvain et sa compagne tournèrent alors un peu sur la gauche et chevauchèrent le long d’un sentier qui les conduisit jusqu’à la forteresse. Elle n’était pas entourée de pieux aigus, mais d’une haute muraille de pierre et d’un fossé des plus profonds. Elle était adossée à un vaste bois, et une haie courait autour, qui clôturait si étroitement l’enceinte fortifiée et la tour qu’elle n’y laissait qu’un accès. La jeune fille à l’épervier connaissait, semble-t-il, parfaitement les lieux, et elle pénétra sans hésiter. Mais Gauvain qui était étranger et ne connaissait rien de l’endroit, franchit tout droit la poterne et monta vers la tour. Il passa le pont à cheval sans se faire remarquer de personne, tandis que la jeune fille demeurait à l’extérieur. Le chevalier, qui était toujours sans nom, pénétra dans la grande salle. Il y aperçut recouvrant une table ronde, une nappe qui, loin d’être sale, était plus blanche que neige d’hiver et sur laquelle se trouvaient une coupe d’or fin, pleine à ras bord d’un vin qui semblait excellent, des flans, des gâteaux, des pâtés, ainsi que des pièces de viande dans une écuelle étincelante. Une jeune fille était assise là pour dîner. Gauvain la salua très courtoisement et lui demanda la grâce de quelques vivres. « Belle, je t’en prie, écoute-moi, dit-il. Il y a là dehors dans la cour, une jeune fille à cheval. Si on ne la secourt immédiatement en lui apportant à manger, jamais elle ne sortira de cette

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