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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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devise : Dio e Popolo. Dieu, où est-il ? On croirait qu'il se désintéresse du train des choses humaines. La solitaire de Nohant gémit de ce spectacle.
    «Si Jésus reparaissait parmi nous, s'écrie-t-elle, il serait empoigné par la garde nationale comme factieux et anarchiste.»
    Sa mélancolie va redoubler devant les journées de Juin. Elle est atteinte dans les oeuvres vives de sa foi. Où peut aller, sinon au suicide, une République qui, suivant sa vigoureuse expression, commence par tuer ses prolétaires ? De vrai, George Sand, en proie à l'exaltation de généreuses utopies, ne s'aperçoit pas qu'on a épouvanté les classes moyennes en discutant leurs croyances les plus chères, en ébranlant et sapant la propriété individuelle, pour lui substituer on ne sait quelle propriété sociale qui, un demi-siècle plus tard, ne sera pas encore clairement définie. Il va falloir que la docile élève de Pierre Leroux dépouille, une à une, toutes ses illusions. Ce sera une mue lente et douloureuse. Nous retrouvons les angoisses de son coeur et de sa pensée, à travers la Correspondance. Le 30 septembre 1848, elle écrit à Joseph Mazzini : «La majorité du peuple français est aveugle, crédule, ignorante, ingrate, méchante et bête ; elle est bourgeoise enfin ! Il y a une minorité sublime dans les villes industrielles.» Elle dit vrai ; c'est cette minorité qui, par la bouche d'un ouvrier parisien, prononçait l'héroïque parole : «Nous avons encore trois mois de misère au service de la République.» Mais que peuvent des dévouements épars et indisciplinés, en face de la veulerie générale ? George Sand a résumé en une formule synthétique la résistance des uns, l'impuissance des autres : «Les riches ne veulent pas, et les pauvres ne savent pas.»
    Durant l'année 1849, le découragement s'accentue. A distance, elle s'évertue à porter sur les événements et sur les hommes un jugement impartial. De Ledru-Rollin elle esquisse un portrait où subsiste à peine quelque vague trace de son engouement d'autrefois : «Je commence par vous dire, mande-t-elle à Mazzini le 5 juillet 1849, que j'ai de la sympathie, de l'amitié même pour cet homme-là. Il est aimable, expansif, confiant, brave de sa personne, sensible, chaleureux, désintéressé en fait d'argent. Mais je crois ne pas me tromper, je crois être bien sûre de mon fait quand je vous déclare, après cela, que ce n'est point un homme d'action ; que l'amour-propre politique est excessif en lui ; qu'il est vain ; qu'il aime le pouvoir et la popularité autant que Lamartine ; qu'il est femme dans la mauvaise acception du mot, c'est-à-dire plein de personnalité, de dépits amoureux et de coquetteries politiques ; qu'il est faible, qu'il n'est pas brave au moral comme au physique ; qu'il a un entourage misérable et qu'il subit des influences mauvaises ; qu'il aime la flatterie ; qu'il est d'une légèreté impardonnable ; enfin, qu'en dépit de ses précieuses qualités, cet homme, entraîné par ses incurables défauts, trahira la véritable cause populaire.» Et l'appréciation se résume ainsi : «C'est l'homme capable de tout, et pourtant c'est un très honnête homme, mais c'est un pauvre caractère.
    Les préférences de George Sand vont à Louis Blanc, dont le socialisme érudit lui paraît plus substantiel que le jacobinisme à la fois déclamatoire et bourgeois de Ledru-Rollin. Dès 1845, elle avait consacré à l'Histoire de Dix ans un article enthousiaste, qui figure dans le volume Questions politiques et sociales.
    Pareil éloge, en novembre 1847, pour les deux premiers tomes de l'Histoire de la Révolution française. Ils avaient, elle et lui, le même culte de Robespierre, le même respect de la Montagne, le même amour religieux de cette Convention nationale qui a fondé la République une et indivisible. Et les vers, prosaïques mais excellemment intentionnés de Ponsard, dans le Lion amoureux, remontent à la mémoire :
      La Convention peut, comme l'ancien Romain,
      Sur l'autel attesté posant sa forte main,
      Répondre fièrement, alors qu'on l'injurie :
      «Je jure que tel jour j'ai sauvé la patrie !»
    George Sand n'était pas Girondine. A telles enseignes qu'elle se déroba à l'universelle admiration soulevée par l'Histoire des Girondins. Elle ne goûtait ni la prose poétique ni la forme oratoire, élégamment verbeuse, de Lamartine. Même elle le juge avec quelque cruauté dans une

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