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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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impressions avec les ressouvenirs et sans doute les remords de son amour brisé. Cet alliage étrange produisit un métal d'une trempe merveilleuse. Jamais elle n'en a retrouvé la souplesse malléable et ductile. «Je t'ai écrit, mande-t-elle à Musset le 15 avril, une longue lettre sur mon voyage dans les Alpes, que j'ai intention de publier dans la Revue, si cela ne te contrarie pas. Je te renverrai, et, si tu n'y trouves rien à redire, tu la donneras à Buloz. Si tu veux y faire des corrections et des suppressions, je n'ai pas besoin de te dire que tu as droit de vie et de mort sur tous mes manuscrits passés, présents et futurs. Enfin, si tu la trouves entièrement impubliable, jette-la au feu ou mets-la dans ton portefeuille, ad libitum.» Alfred de Musset, apprenant ce voyage, écrit le 19 avril : «Tu es donc dans les Alpes ? N'est-ce pas que c'est beau ? Il n'y a que cela au monde. Je pense avec plaisir que tu es dans les Alpes ; je voudrais qu'elles pussent te répondre, elles te raconteraient peut-être ce que je leur ai dit. O mon enfant, c'est là cependant qu'il est triste d'être seul.» Dans la même lettre il annonce son arrivée à Paris, presque bien portant, en dépit d'un coup de soleil sur la figure et d'un érysipèle aux jambes. «Grâce à Dieu, je suis debout aujourd'hui et guéri, sauf une fièvre lente qui me prend tous les soirs au lit, et dont je ne me vante pas à ma mère, parce que le temps seul et le repos peuvent la guérir.
    Du reste, à peine dehors du lit, je me suis rejeté à corps perdu dans mon ancienne vie.» Elle à Venise avec Pagello, lui à Paris, livré aux voluptés faciles, ils se paient de la même monnaie. Mais, tout en racontant qu'il cherche un nouvel amour et dîne avec des filles d'Opéra, il ajoute : «Plus je vais, plus je m'attache à toi, et, bien que très tranquille, je suis dévoré d'un chagrin qui ne me quitte plus.» Et tout aussitôt : «Dis-moi que tu t'es donnée à l'homme que tu aimes, parle-moi de vos joies ; non, ne me dis pas cela, dis-moi simplement que tu aimes et que tu es aimée. Alors je me sens plus de courage, et je demande au ciel que chacune de mes souffrances se change en joie pour toi... Madame Hennequin avait fait à ma mère tous les cancans possibles sur ton compte. Je n'ai pas eu de peine à la désabuser ; il a suffi de lui parler des nuits que tu as passées à me soigner, c'est tout pour une mère... Adieu, ma soeur adorée. Va au Tyrol, à Venise, à Constantinople ; fais ce qui te plaît, ris et pleure à ta guise ; mais le jour où tu te retrouveras quelque part seule et triste comme à ce Lido, étends la main avant de mourir, et souviens toi qu'il y a dans un coin du monde un être dont tu es le premier et le dernier amour.» A cette lettre si complexe et si contradictoire, George Sand répond le 29 avril : «Tu es un méchant, mon petit ange, tu es arrivé le 12 et tu ne m'as écrit que le 19. J'étais dans une inquiétude mortelle.» Puis c'est la sollicitude maternelle qui reparaît : «Ce qui me fait mal, c'est l'idée que tu ne ménages pas ta pauvre santé. Oh ! je t'en prie à genoux, pas encore de vin, pas encore de filles ! c'est trop tôt. Songe à ton corps qui a moins de force que ton âme et que j'ai vu mourant dans mes bras.
    Ne t'abandonne au plaisir que quand la nature viendra te le demander impérieusement, mais ne le cherche pas comme un remède à l'ennui et au chagrin. C'est le pire de tous. Ménage cette vie que je t'ai conservée, peut-être, par mes veilles et mes soins. Ne m'appartient-elle pas un peu à cause de cela ? Laisse-moi le croire, laisse-moi être un peu vaine d'avoir consacré quelques fatigues de mon inutile et sotte existence à sauver celle d'un homme tel que toi.»
    Ces conseils de tempérance et de sobriété concordent avec une lettre que Pagello écrivait, un peu plus tard, au «cher Alfred» et où il célèbre «cette réciprocité d'affection qui nous liera toujours de liens sublimes pour nous, et incompréhensibles aux autres.» Il rappelle au poète la nécessité de «résister à ces tentations de désordres qui sont les compagnes d'une nature trop impétueuse.» Et il conclut : «Lorsque vous êtes entouré d'une douzaine de bouteilles de champagne, souvenez-vous de cette petite barrique d'eau de gomme arabique que je vous ai fait vider à l'hôtel Danieli, et je suis certain que vous aurez le courage de les fuir ! Adieu, mon bon Alfred. Aimez-moi

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