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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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d'intérêt par delà la somptuosité ou la délicatesse du style, ce sont les aveux d'une âme tumultueuse, qui encadre ses inquiétudes ou ses remords dans le décor prestigieux de la nature.
    Lorsque George Sand, à distance et à loisir, composa une préface pour l'ensemble des Lettres d'un Voyageur, elle y mit des idées philosophiques, de la métaphysique même, avec un grain de déclamation. Elle récuse l'opinion de la plupart de ceux qui ont voulu se mirer dans son âme et se sont fait peur à eux-mêmes. «Ils se sont écriés que j'étais un malade, un fou, une âme d'exception, un prodige d'orgueil et de scepticisme. Non, non ! je suis votre semblable, hommes de mauvaise foi ! Je ne diffère de vous que parce que je ne nie pas mon mal et ne cherche point à farder des couleurs de la jeunesse et de la santé mes traits flétris par l'épouvante. Vous avez bu le même calice, vous avez souffert les mêmes tourments. Comme moi vous avez douté, comme moi vous avez nié et blasphémé, comme moi vous avez erré dans les ténèbres, maudissant la Divinité et l'humanité, faute de comprendre !» Et, cherchant la cause et la source des misères morales qui travaillent la société moderne : «Le doute, dit-elle, est le mal de notre âge, comme le choléra... Il est né de l'examen. Il est le fils malade et fiévreux d'une puissante mère, la liberté. Mais ce ne sont pas les oppresseurs qui le guériront. Les oppresseurs sont athées.» George Sand ici semble paraphraser la maxime si judicieuse de Maximilien Robespierre : «L'athéisme est aristocratique.»
    De vrai, le spiritualisme est le principe, l'idéalisme est la loi de la démocratie, en sa forme la plus noble et la plus féconde.
    A l'encontre du scepticisme, et dans l'attente et le désir d'une foi sûre, la préface des Lettres d'un Voyageur nous propose cette saisissante image : «Au retour de la campagne de Russie, on voyait courir sur les neiges des spectres effarés qui s'efforçaient, en gémissant et en blasphémant, de retrouver le chemin de la patrie. D'autres, qui semblaient calmes et résignés, se couchaient sur la glace et restaient là engourdis par la mort. Malheur aux résignés d'aujourd'hui ! Malheur à ceux qui acceptent l'injustice, l'erreur, l'ignorance, le sophisme et le doute, avec un visage serein ! Ceux-là mourront, ceux-là sont morts déjà, ensevelis dans la glace et dans la neige. Mais ceux qui errent avec des pieds sanglants et qui appellent avec des plaintes amères, retrouveront le chemin de la Terre promise, et ils verront luire le soleil.»
    Si la préface se complaît ainsi à évoquer des sentiments généraux et altruistes, ce sont des émotions tout intimes qui se traduisent et se reflètent dans les trois premières Lettres d'un Voyageur. Le souvenir d'Alfred de Musset y plane ou y flotte. Au murmure de la Brenta, par exemple, elle pense à la veillée du Christ dans le jardin des Olives, et elle se remémore un soir où ils ont longuement parlé de ce chant du divin poème évangélique. «C'était, dit-elle, un triste soir que celui-là, une de ces sombres veillées où nous avons bu ensemble le calice d'amertume. Et toi aussi, tu as souffert un martyre inexorable ; toi aussi, tu as été cloué sur une croix.
    Avais-tu donc quelque grand péché à racheter pour servir de victime sur l'autel de la douleur ? qu'avais-tu fait pour être menacé et châtié ainsi ? est-on coupable à ton âge ? sait-on ce que c'est que le bien et le mal ? Tu te sentais jeune, tu croyais que la vie et le plaisir ne doivent faire qu'un. Tu te fatiguais à jouir de tout, vite et sans réflexion. Tu méconnaissais ta grandeur et tu laissais aller ta vie au gré des passions qui devaient l'user et l'éteindre, comme les autres hommes ont le droit de le faire. Tu t'arrogeas ce droit sur toi-même, et tu oublias que tu es de ceux qui ne s'appartiennent pas. Tu voulus vivre pour ton compte, et suicider ta gloire par mépris de toutes les choses humaines. Tu jetas pêle-mêle dans l'abîme toutes les pierres précieuses de la couronne que Dieu t'avait mise au front, la force, la beauté, le génie, et jusqu'à l'innocence de ton âge, que tu voulus fouler aux pieds, enfant superbe !»
    Puis, sur le mode mystique, elle célèbre le poète qu'elle a aimé, admiré, soigné, guéri, et remplacé, mais non pas oublié, et qui a été éloigné d'elle par l'inévitable lassitude des sentiments périssables : «Au milieu des

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