Gisors et l'énigme des Templiers
préféré, en quelque sorte son fils spirituel, un autre
Templier rescapé, Gaston de la Pierre Phœbus.
Quelques mois plus tard, redoutant les manœuvres du roi
d’Angleterre Édouard II, la plupart des Templiers émigrés quittèrent
Londres et se réfugièrent en Écosse, où ils pouvaient compter sur la loyauté du
roi Robert Bruce. Ils s’établirent dans l’île de Mull où ils retrouvèrent
quelques Templiers français déjà incorporés à l’ ost écossais.
Ceux-ci, ayant appris la mort de Jacques de Molay, avaient régulièrement élu
pour son successeur, dans la charge de grand-maître, un certain Pierre
d’Aumont. Quant à Gaston de la Pierre Phœbus, encouragé par Guidon de Montanor
et protégé par le roi, il créa un collège d’alchimistes de tradition templière
auquel il communiqua les secrets et mystères de l’Ordre.
Puis, comme ils étaient tous ulcérés de l’attitude du pape
Clément V, ils décidèrent de quitter l’Église catholique romaine et de
fonder leur propre Église, une Église vraiment évangélique et dépositaire de la
sagesse et de la tradition des Templiers. Ils adoptèrent comme symbole le
« Pélican dans sa pitié », terme héraldique et rosicrucien qui évoque
un pélican sur son nid, les ailes éployées, nourrissant six petits affamés de
sa chair et de son sang. Ce symbole fut repris ensuite par l’Ordre maçonnique
des Chevaliers de la Rose + Croix et de l’Aigle Noir. Ainsi se
constitua un Sacré Collège occulte dont les héritiers se trouvent toujours en
Écosse.
Cependant, en 1316, alors que le cardinal Jacques d’Euse,
passionné d’alchimie et de sciences hermétiques, devient pape sous le nom de
Jean XXII, Gaston de la Pierre Phœbus, et vingt-sept de ses compagnons,
décident de revenir en France très discrètement. Ils gagnent d’abord Avignon,
où Jean XXII reçoit en audience Gaston de la Pierre Phœbus et lui promet
sa protection. Il lui donne pour mission de retourner en Écosse afin de ramener
en Avignon l’élite des frères d’armes de Robert Bruce.
Mais comme les routes étaient infestées de brigands, Gaston
de la Pierre Phœbus prit la précaution avant de repartir pour ce voyage jugé
dangereux, de confier l’essentiel de ses secrets à un prieur des Hospitaliers
de Saint-Jean, ancien Templier qui résidait à Pont-Saint-Esprit. Bien lui en
prit : lui-même et treize de ses compagnons périrent dans une embuscade, non
loin du Mans. Seuls cinq survivants purent regagner l’Écosse. Ils revinrent en
Avignon avec une troupe commandée par Jacques de Via, qui était le propre neveu
de Jean XXII.
Cependant, le prieur de Pont-Saint-Esprit avait eu le temps
d’élaborer une nouvelle règle templière. Seul et dernier dépositaire des
secrets du Temple, il en informa ceux qu’il jugea digne de les recevoir,
Jacques de Via en particulier. Un collège de trente-trois sages fut élu, qui
mit à sa tête Jacques de Via, avec succession authentique de Gaston de la
Pierre Phœbus. L’Église templière se développa, mais resta secrète, ce qui
n’empêcha pas Jacques de Via de périr empoisonné le 6 mai 1317. Ses
successeurs se nommèrent « Frères Aînés de la Rose + Croix »,
et l’on prétend qu’ils ont perduré jusqu’à nos jours.
Cette tradition est révélatrice de l’ impact des Templiers sur la vie intellectuelle et spirituelle de l’Occident. Cet Ordre
mystérieux, composé de chevaliers, mais aussi de « sages », ne
pouvait disparaître sans laisser de traces. Dans tout désastre, il y a toujours
au moins un survivant pour aller raconter ce qui s’est passé. Non, les
Templiers ne pouvaient pas mourir tous. Et tant pis s’il existe des
incohérences dans ce récit traditionnel, notamment la date de fondation de cet ordre
en juin 1312, avec élection d’un grand-maître, Jacques de Molay n’étant point
encore mort. Et que vient faire l’alchimie dans tout cela : il semble
pourtant que les Templiers aient été avant tout des combattants, des
gestionnaires et des financiers, et non pas des « Philosophes »
passant leur vie dans leur cabinet de travail ou dans leur laboratoire ?
Mais il existe une autre tradition parallèle à celle-ci.
N’oublions pas qu’en Écosse, les Templiers avaient élu comme grand-maître un
certain Jacques d’Aumont. C’est de lui que prétendent descendre d’autres
branches de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les
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