Gisors et l'énigme des Templiers
Parzival, que ce soit Parzival, que ce soit Perceval, que ce soit
Lancelot du Lac ou son fils Galaad, le héros fait partie d’une lignée royale
qu’on fait remonter parfois à David, et qui est de toute façon une lignée
initiatique. Il est nécessaire que le roi du Graal qu’on
attend avec tant d’impatience pour redonner la fertilité au royaume endormi de
la Gaste Terre soit issu de ce Sang Royal initiatique [79] .
Car il s’agit effectivement non seulement de guérir le
Roi-Pêcheur blessé, mais aussi et surtout de redonner vie au royaume qui
dépérit parce que les terres sont frappées de stérilité. Le symbole apparaît
fort clair. Quand les Templiers, chargés de veiller sur la pureté du Graal
(c’est Wolfram qui le dit), c’est-à-dire sur la pureté du Sang Royal – au
besoin, par l’élimination systématique de ceux qui voudraient s’approcher de ce
Sang Royal sans avoir été choisis – auront trouvé celui qui doit être leur roi,
le royaume sera régénéré (on en extirpera le péché). Cela rappelle évidemment
certains éléments assez récents, au cours desquels on a vu des « milices
noires » obéir aveuglément au chef prédestiné qui les envoûtait, et qui
mirent le monde à feu et à sang pour le purifier, dans l’espoir de voir
apparaître, après cet infernal Ragnarök surgi tout droit
de la mythologie germano-scandinave, un monde nouveau et universel régi par un
Grand Monarque.
Une telle comparaison risque de choquer. Mais c’est Wolfram
von Eschenbach qui le dit et les idéologues du national-socialisme ne s’y sont
pas trompés. Pour eux, Parzival était l’archétype mythologique de leur action.
Wolfram savait très bien qui étaient en réalité les Templiers.
D’ailleurs, Philippe le Bel lui-même, en souhaitant porter
le titre de Bellator Rex , voulait devenir roi du Graal,
c’est-à-dire dépositaire de ce Sang Royal qu’il espérait bien transmettre à ses
descendants. Le malheur, c’est que les Templiers n’ont pas voulu de lui. Il
n’était probablement pas celui qu’on attendait et son nom n’était pas inscrit
sur la Pierre. Dans ces conditions, Philippe le Bel, qui lui
aussi savait très bien qui étaient les Templiers , a tout mis en œuvre
pour les détruire, car il ne pouvait se permettre de laisser cette redoutable
cohorte se choisir un autre roi du Graal et se retourner contre lui. C’était
une question de vie ou de mort. Philippe le Bel a gagné. Les Templiers ont
perdu. Ici le Mythe rejoint l’Histoire et fait corps avec elle.
Exagération ? Qu’on examine donc la toile d’araignée
tissée par les Templiers, en Europe et surtout en France. À quoi servait-elle ?
« L’Ordre du Temple est l’aboutissement de la lignée civilisatrice de
l’Occident, et cet aboutissement a été préparé de longue main. Sa mission est en Occident ; la défense de la Terre
sainte n’est en quelque sorte qu’un moyen : un moyen de probation chevaleresque et un moyen d’acquisition de puissance, car sa
« publicité » est axée sur cette défense. C’est pour cette défense
que les dons lui parviennent, ce qui ne serait certainement pas s’il dévoilait
son rôle en Occident. » [80] Dans ces conditions, le rite du reniement apparaît pour ce qu’il est : une
croyance fondamentale dans un Christ-Roi qui n’a plus rien à voir avec la vague
image d’un crucifié. Mais, comme dans toute société secrète à structure
initiatique, seuls certains frères connaissaient la doctrine. Les autres, les
obscurs et les sans grade, après avoir prononcé le serment d’obéissance,
suivaient les ordres. Ils crachaient sur la croix et allaient se faire tuer au
combat. Cela ne les empêchait nullement de croire en Dieu. Mais on les employait
à préparer le royaume, un royaume bien terrestre celui-là, et qui, après la
guérison du vieux roi blessé, allait pouvoir se régénérer et reverdir comme aux
premiers temps du monde, quand la Terre était encore vierge.
C’est encore Wolfram von Eschenbach qui le dit :
« Un sort heureux s’offre souvent aux chevaliers du Graal : ils
aident autrui et ils sont eux-mêmes aidés par le destin. Ils accueillent en
leur château de jeunes enfants de noble lignée et de belle figure. Il arrive
parfois qu’un royaume se trouve sans maître ; si le peuple de ce royaume
est soumis à Dieu, et s’il désire un roi choisi dans la troupe du Graal, on
exauce son souhait. Il faut que le peuple respecte
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