Gisors et l'énigme des Templiers
le roi
ainsi choisi ; car il est protégé par la bénédiction de Dieu. C’est
en secret que Dieu fait partir ses élus [81] . »
Décidément, c’est à travers un récit légendaire, et grâce à
Wolfram von Eschenbach, qu’on peut essayer de comprendre l’Histoire. C’est
probablement pourquoi on cherche avec tant de passion à travers des souterrains
obscurs. On peut espérer y découvrir un Mythe beaucoup plus réel qu’un document
authentifié.
VI
LES RUINES DU TEMPLE
Par la bulle du 22 mars 1312, le Pape
Clément V avait aboli l’Ordre du Temple. Mais ce n’était pas un jugement,
c’était simplement un acte d’autorité, la décision d’une autorité supérieure de
dissoudre une organisation qui, en définitive, ne dépendait que d’elle. Cela ne
concernait nullement le sort des membres de cet Ordre. À partir du moment où l’Ordre
cessait d’exister, ceux-ci n’étaient plus que des individus isolés,
responsables personnellement de leurs actes. Par la bulle du 6 mai 1312,
Clément V remettait à la justice ordinaire les Templiers qui seraient
reconnus coupables ou qui, après avoir avoué, seraient retombés dans leurs
erreurs. En revanche, ceux qui seraient reconnus innocents recevraient une
pension et seraient admis à entrer dans un quelconque ordre monastique. Cette
disposition apparemment très libérale, mais en fait soumise au bon vouloir du
roi de France, ne concerna guère que les subalternes du Temple. Les autres
finirent sur le bûcher ou en prison.
Auparavant, il avait fallu régler le délicat problème des
biens du Temple. Certes, tout avait été, du moins sur le territoire français,
saisi par les agents du roi, mais à titre temporaire. Clément V avait
revendiqué pour l’Église les biens du Temple afin de les faire servir à la
Terre sainte, mais le roi de France – et les autres souverains – préférèrent
assurer eux-mêmes l’administration de ces biens pour en tirer le meilleur profit
possible. C’est dire que, peu avant la décision papale concernant la dévolution
des biens du Temple, d’âpres discussions se déroulèrent dans les coulisses du
concile de Vienne et aux quatre coins de l’Europe. Chacun espérait avoir sa
part dans cette véritable curée où la vergogne n’était guère de rigueur.
Pour le pape, la solution la plus simple était de remettre
tous les biens du Temple à l’Ordre de l’Hôpital. Les deux ordres étant de
structures voisines, et se trouvant souvent sur le même terrain, la
transmission serait aisée, et de toute façon, comme les buts du Temple et de l’Hôpital
avaient été très proches, cette solution apparaissait comme la plus juste.
D’ailleurs, pendant toute la durée de l’affaire, les Hospitaliers s’étaient
bien gardés d’intervenir pour ou contre l’Ordre du Temple. Ils ne voulaient pas
trop attirer l’attention sur eux, car ils avaient fort bien compris que ce qui
arrivait aux Templiers pourrait leur arriver à eux aussi.
Mais les souverains occidentaux semblent peu favorables à
cette dévolution des biens du Temple à l’Hôpital. Certains d’entre eux veulent
conserver les biens qu’ils administrent. D’autres se méfient des Hospitaliers.
D’autres encore militent en faveur de la création d’un nouvel ordre. Personne
n’est d’accord, et le pape se retrouve en minorité au concile, la plupart des
cardinaux estimant que la culpabilité des Templiers n’est pas établie de façon
convaincante.
C’est Enguerrand de Marigny, autre âme damnée de Philippe le
Bel, qui débloque la situation. Après bien des pourparlers sans résultat, il
finit par convaincre le roi de France d’accepter un compromis avec le pape. Le
2 mai 1312, Clément V, par la bulle Ad providam ,
attribue les biens du Temple à l’Hôpital, le cas de l’Espagne et du Portugal
étant réservé. Ce n’est que plus tard qu’on put résoudre le problème :
dans le royaume de Valence, les biens du Temple, grossis de ceux de l’Hôpital,
vont au nouvel ordre qui vient d’être fondé en Aragon, l’Ordre de Montesa, et
au Portugal au nouvel Ordre du Christ, composé presque exclusivement d’anciens
Templiers. Mais, en Castille, la plupart des biens du Temple avaient déjà été
dilapidés.
Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem récupérèrent
donc la plus grande partie des domaines et des biens de leurs concurrents. Mais
ils n’en firent pas grand-chose, et l’Ordre de l’Hôpital, devenu
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