Grands Zhéros de L'Histoire de France
que Bourbon. » Louis XVI, gros roi nul pas de chez nous ? La thèse est osée ! Comme tout ce qui est excessif est insignifiant, on est revenu ces dernières années sur cette vision caricaturale de Louis XVI. Les biographies les plus récentes, en particulier celles de Jean-Pierre Poirier et de Jean-Christian Petitfils, ont contribué à réhabiliter un roi maltraité par l’histoire, en soulignant sa curiosité d’esprit, sa culture, mais surtout sa droiture, sa simplicité et sa bonté. Il n’est que de lire son testament pour s’émouvoir de la noblesse de cœur de l’infortuné monarque, mais aussi du courage et de la résignation avec lesquels il accepta son sort. Louis XVI, comme Marie-Antoinette, ou Marie Stuart, nommés par notre panel, se sont au moins partiellement rachetés aux yeux de la postérité par la bravoure et la dignité dont ils firent preuve dans leurs derniers instants. Cela étant, au même titre que les différents souverains évoqués avant eux, ils sont trop célèbres – alors que nous recherchons plutôt les seconds couteaux de l’histoire – et sont par ailleurs totalement dépourvus de la part de ridicule et de tragi-comique qui s’attache aux vrais zhéros. Ils seront donc également exclus de notre recensement final.
Serons-nous plus heureux avec le candidat suivant, l’éphémère Henri V dont le nom a été cité à de nombreuses reprises ? À mi-chemin entre héros malheureux et zhéro absolu, Henri V, duc de Bordeaux, mieux connu sous le nom de comte de Chambord, nous semble un candidat au zhéroïsme particulièrement original. Par son intransigeance, il fit échouer la dernière tentative de restauration monarchique de notre histoire, de sorte qu’il est considéré aussi bien par ses partisans, qui s’en affligent, que par ses détracteurs, qui s’en félicitent, comme le sauveur de la République ! Tout comme le maréchal Grouchy, le général Boulanger et bien d’autres personnages qui seront évoqués dans les pages qui viennent, il présente par ailleurs à nos yeux deux des principales qualités requises pour être un grand zhéro de l’histoire de France : l’indécision et l’obstination !
Aussi inattendu que cela puisse paraître, entre 1883, année de sa mort, et le début des années 1930, près de soixante-dix biographies lui furent consacrées, soit à peine moins qu’à Napoléon, Louis XIV ou Jeanne d’Arc durant la même période. Mais dans les années qui suivirent, la cause royaliste fut accaparée par la très orléaniste Action française, de sorte que Chambord, qui, lui, était un Bourbon, fut oublié et catalogué comme ce loser auquel on avait offert le trône de France sur un plateau d’argent, mais qui n’en avait pas voulu. Qui se souvient aujourd’hui de ce triste sire ?
D’abord, qui était-il au juste ? Force est de reconnaître que son existence fut marquée par un certain nombre de drames qui doivent être évoqués comme autant de circonstances atténuantes, susceptibles d’influencer dans un sens ou dans l’autre sa qualification comme zhéro, à commencer par l’assassinat de son père, suivi des années d’exil, d’un mariage malheureux, de l’absence d’enfant, et même de la chute de cheval qui le laissa boiteux.
La mort de son père d’abord. Le 14 février 1820, Charles Ferdinand de Bourbon, duc de Berry, fils de Charles X et futur héritier de la couronne de France, est assassiné par Louvel, un fanatique bonapartiste. Or c’est sur lui que reposaient tous les espoirs de la monarchie, son oncle Louis XVIII n’ayant pas de descendance et son unique frère, le duc d’Angoulême, notoirement impuissant, n’ayant aucune chance d’en avoir. Heureusement, si l’on peut dire compte tenu des circonstances, l’épouse du duc est enceinte d’un peu plus de deux mois lorsque son mari est assassiné. Sans la naissance providentielle, le 29 septembre 1820, d’Henri, fils posthume du duc de Berry, qualifié d’« enfant du miracle », c’en eût été fini de la branche aînée des Bourbons. Cet enfant devient en naissant « le rejeton le plus titré d’Europe », selon la formule de Pierre Miquel : il descend en droite ligne d’Hugues Capet par son père et de François I er par sa mère. Louis XVIII fait saluer sa naissance à coups de canon, tandis que les royalistes de France lancent une souscription nationale pour lui offrir le château de Chambord dont il tiendra titre et revenus, mais où, de
Weitere Kostenlose Bücher