Grands Zhéros de L'Histoire de France
Privé de la tendresse d’une mère et de l’autorité d’un père, n’avais-je pas tout pour n’être rien ? » lui fait dire Isabelle Bricard dans le roman qu’elle lui a consacré.’
Qui donc est cette mère indigne, mauvaise épouse et mauvaise mère ? Éléonore Revel, de son nom de jeune fille Denuelle de la Plaigne (1787-1868), est une amie de Caroline Bonaparte, sœur de l’Empereur. Les deux jeunes femmes ont été élèves dans une pension de jeunes filles créée sous le Directoire par Mme Campan, ancienne dame de compagnie de la reine Marie-Antoinette. Réservée à l’élite de la société nouvelle, cette école est un vivier de jeunes filles à marier : Eglé Auguié, future épouse de Ney, Caroline Bonaparte, future épouse de Murat, et Hortense de Beauharnais, future épouse de Louis Bonaparte, y furent toutes les condisciples d’Éléonore. Celle qui deviendra la mère de Léon appartient à une famille d’aristocrates désargentés qui lui font épouser, le 15 janvier 1805, le premier soupirant venu, un certain Jean-Honoré-François Revel. Celui-ci se fait passer pour un officier de dragons, mais cela fait déjà deux ans qu’il ne l’est plus. Pour avoir confondu sa poche et celle de son escadron, en tant qu’officier payeur de son régiment, il est passé en conseil de guerre et a été réformé. Depuis, il vit de petits trafics, ce qu’Éléonore ne sait pas.
À peine la nuit de noces des tourtereaux est-elle consommée que la police vient mettre Revel en arrestation. Inculpé de faux en écritures commerciales, il est condamné à deux ans de prison. Éléonore tombe de haut ! La jeune épousée s’en va alors pleurer dans les jupes de Mme Campan, qui lui suggère de solliciter un emploi auprès de son ancienne condisciple Caroline Murat, devenue entre temps princesse impériale. La jeune et ravissante Éléonore devient donc dame d’annonce puis lectrice de Caroline, qui, très au fait des goûts de son frère en matière de femmes, compte fermement sur sa jeune protégée pour se livrer à un genre d’effeuillage moins intellectuel que la lecture.
Comme elle déteste sa belle-sœur, Joséphine, elle a en effet pris l’habitude d’approvisionner son frère en chair fraîche et c’est donc elle qui, en janvier 1806, va placer Éléonore sur son chemin « comme une grenade dégoupillée ». Ainsi, tandis que Napoléon fait d’Éléonore sa maîtresse, Revel ronge son frein derrière les barreaux et se demande pourquoi sa jeune épouse ne lui rend pas visite et ne lui écrit jamais.
Les anecdotes liées à la brève liaison de Napoléon et d’Éléonore sont bien connues : les rendez-vous furtifs entre deux séances de travail de l’Empereur dans la pièce secrète aménagée aux Tuileries ; les deux heures, pas davantage, imparties à leurs ébats sans amour, Éléonore attendant indéfiniment le bon vouloir de Napoléon, puis avançant l’aiguille du cartel afin d’abréger le moment qu’elle devait passer avec un amant manifestement plus glorieux sur les champs de bataille que dans un lit. Tout cela est de notoriété publique et nous intéresse évidemment moins que Léon, fruit inattendu de ces étreintes clandestines. Ajoutons tout de même ici pour mettre une touche finale au portrait de son édifiante mère que, non contente d’être la maîtresse de l’Empereur, elle fut aussi celle de Murat sous le propre toit de Caroline, sa bienfaitrice !
Comme cela est souvent le cas avec nos zhéros de l’histoire, Léon, tout bâtard qu’il fût, frôla un instant la gloire avant de sombrer dans l’oubli et la médiocrité. Pendant un très court moment, en effet, le trône de France aurait pu lui échoir, Napoléon ayant eu l’idée saugrenue de le faire passer pour son fils et celui de Joséphine. Il eût suffi pour cela que l’impératrice prétende être enceinte et s’éloigne quelque temps de la capitale. Mais Corvisart, son médecin, se refusa à couvrir un tel stratagème. Napoléon envisagea donc d’adopter Léon, mais y renonça finalement assez vite, jugeant trop « Ancien Régime » ce projet de légitimation d’un, enfant naturel dont il ferait son héritier. Une fois encore, mauvaise pioche pour Léon. Adieu trône, empire, rêves de puissance et de gloire !
Il mène malgré tout une vie de rêve. Certes sa mère ne s’occupe guère de lui, mais il est élevé avec les quatre enfants Murat, en particulier le petit Achille dont
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