Hamilcar, Le lion des sables
table rase de tous ses griefs. Dès
demain, il sera à pied d’œuvre.
Hamilcar
accéda à la requête de son père et s’entoura d’officiers ayant servi avec lui
en Sicile. Ce qui le préoccupait au plus haut point, ce n’étaient pas les
mercenaires mais les Numides qui s’étaient tous soulevés contre le Sénat avec,
si ce n’est l’accord, du moins l’approbation tacite de Juba. Les quelques
messagers qu’il avait dépêchés à la cour n’avaient pu rencontrer le vieux
souverain et ses fils avaient, sous différents prétextes, refusé de les
recevoir. En désespoir de cause, le fils d’Adonibaal finit par convoquer son
intendant, Himilk :
— Ton
fils est-il prêt à porter les armes ? Quel âge a-t-il ? Cela fait
bien longtemps que je ne l’ai vu.
— Il
est plus vieux que tu ne le penses. Il s’est marié il y a de cela deux ans et a
un fils qui porte mon nom. Il vit avec sa femme à Aspis.
— Fais-le
venir, lui et les siens.
À son
arrivée, le fils d’Himilk fut conduit auprès de Hamilcar :
— Es-tu
prêt à servir sous mes ordres ?
— J’en
serais très honoré.
— Je
te charge d’une mission : retrouver à tout prix Juba et son frère
Nahrawas. Tu leur diras ceci : le fils d’Adonibaal comprend vos griefs et
ceux de votre peuple. Ce n’est pas Carthage qui sollicite votre aide mais
Hamilcar Barca, votre ami et votre frère. Il vous supplie de ne plus prêter
main-forte aux mercenaires mais de placer vos cavaliers sous ses ordres.
— Dois-je
leur promettre une récompense ?
— Surtout
pas, ce serait une insulte mortelle ! Obtiens leur concours et reste avec
eux tout le temps qu’il faudra pour les conseiller. Pendant ce temps, ta femme
et ton fils seront mes invités à Mégara.
Quelques
jours plus tard, Hamilcar quitta Carthage avec plusieurs milliers d’hommes et
une centaine d’éléphants. Tous les citoyens ayant jadis servi dans l’armée
avaient été mobilisés. Les autres soldats étaient les déserteurs condamnés aux
rames ou vendus comme esclaves. Le Sénat avait accepté de les libérer à
condition qu’ils reprennent les armes et leur avait promis une part du butin
pris à l’ennemi. Se souvenant que leurs anciens compagnons avaient applaudi à
leur châtiment, les déserteurs ne se firent pas prier pour s’engager à nouveau
sous les bannières de la cité d’Elissa.
Hommes et
bêtes sortirent par la porte de Mégara et prirent la direction d’Utique. La
ville était toujours assiégée et commençait à manquer de vivres. Les rebelles
l’avaient totalement encerclée et bloquaient toutes les routes d’accès, en
particulier le pont de pierre traversant le fleuve Macaras, infranchissable
partout ailleurs. Pendant quelques jours, le fils d’Adonibaal chercha en vain
un gué. La chance finit par lui sourire. Une patrouille envoyée près de
l’embouchure du fleuve remarqua que le soir, lorsqu’un certain vent se levait,
les eaux baissaient, permettant de gagner à pied l’autre rive. Dans le plus
grand secret, l’armée se dirigea vers la mer et, la nuit venue, traversa le
Macaras avant de gagner, au prix d’une longue marche, une vaste plaine située
devant Utique.
Au petit
matin, les Carthaginois furent en vue du camp de Spendios. Les éléphants
marchaient les premiers, suivis par la cavalerie et l’infanterie. Convaincus de
leur supériorité, les mercenaires se déployèrent dans la plaine et passèrent à
l’attaque. C’était ce qu’attendait Hamilcar qui ordonna à son avant-garde de
faire demi-tour. Le nuage de poussière soulevé par les éléphants et par les
chevaux empêcha les hommes de Spendios de voir ce qui se passait sur le
terrain. Ils crurent que leurs adversaires battaient précipitamment en
retraite. Poussant des hurlements de joie, ils rompirent l’alignement et se
divisèrent en petits groupes, au gré de leurs affinités. Ceux-ci vinrent se
briser sur les lances de l’infanterie carthaginoise. Soudain, cette dernière
pivota sur sa droite et sur sa gauche afin de laisser le passage aux éléphants
et aux cavaliers qui avaient fait à nouveau demi-tour. Rabattus par les
chevaux, les mercenaires furent par centaines piétines par les éléphants. Quand
le soleil commença à décliner, six mille hommes de Spendios avaient trouvé la
mort et deux mille avaient été faits prisonniers. Hamilcar leur proposa soit de
combattre à ses côtés, soit de retrouver leur liberté à la condition de
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