Hamilcar, Le lion des sables
des soldats lapidés ne les inquiétèrent pas. Ils
s’imaginaient qu’ils s’agissaient de rebelles hostiles à un accord. Ils ne
tardèrent pas à déchanter quand la foule les entoura et les fit prisonniers.
Entre Carthage et ses anciens soldats, c’était désormais la guerre.
La
nouvelle se répandit dans toutes les régions placées sous la domination de
Carthage et bien au-delà. Les populations numides et libyennes, fatiguées par
les impôts écrasants qui pesaient sur elles, se soulevèrent cependant que des
milliers d’esclaves s’enfuyaient des propriétés où ils étaient astreints au
travail pour gagner le camp des mercenaires. Des dizaines de milliers d’hommes
vinrent de Libye se placer sous les ordres de Matho. Pour subvenir à leurs
besoins, celui-ci dut demander aux femmes de son peuple d’offrir leurs bijoux
et leurs parures. Loin de se plaindre, elles rivalisèrent de générosité,
montrant par là combien leur haine de Carthage était profonde.
Spendios,
Autaritos et Matho séparèrent l’armée en trois groupes. Le premier mit le siège
devant Utique, le deuxième devant Hippou Accra et le troisième, demeuré à
Tunès, organisa le blocus terrestre de la cité d’Elissa, effectuant même
quelques incursions dans les vergers de Mégara. Réuni à la hâte, le Conseil des
Cent Quatre décida de confier le commandement des opérations à Hannon. Avec plusieurs
dizaines d’éléphants, il se dirigea vers Utique dont les habitants
l’accueillirent avec des transports d’allégresse. Il leur demanda de lui
fournir toutes les machines de siège dont ils disposaient : béliers,
balistes, catapultes, et lança immédiatement une attaque contre les
retranchements ennemis. Ses éléphants, bien dirigés, semèrent la panique dans
les rangs des mercenaires qui furent piétines par centaines cependant que les
autres s’enfuyaient dans les montagnes voisines.
La
bataille s’était déroulée tôt le matin et, après sa victoire, Hannon, grisé par
le succès, décida de rentrer à Utique pour y prendre un bain et pour s’y
restaurer. Laissés à eux-mêmes, ses hommes se dispersèrent dans la campagne
pour marauder. Averti de cette négligence, Spendios rassembla ses soldats et
attaqua les positions carthaginoises, s’emparant sans mal de tout le matériel
de siège confié par Utique à Hannon. Quelques jours plus tard, ce dernier
essuya une nouvelle défaite et dut regagner Carthage avec le reste de son armée.
Au Conseil
des Cent Quatre, se déroula une séance plutôt agitée. Objet jusque-là de la
faveur des autres sénateurs, Baalyathon, violemment critiqué, dut faire amende
honorable :
— Mes
chers collègues, j’avoue avoir sous-estimé l’audace de ces misérables. Le
malheureux Giscon est entre leurs mains et nous ne devons rien faire qui puisse
causer sa perte.
— Tu
te préoccupes de ton ami, tonna Adonibaal, et non pas de Carthage. Crois-tu que
ceux que nous avons abusés et trompés vont demeurer à Utique ? À leur
place, j’aurais déjà levé le camp et il ne m’étonnerait pas que, demain, nous
nous trouvions une fois de plus encerclés de toutes parts, avec la mer comme
seule voie de communication vers l’extérieur. Ton incompétence nous a coûté
cher, très cher.
— Que
suggères-tu ?
— Est-ce
véritablement à moi de le faire ? Par tes intrigues et tes complots, tu as
écarté mon fils de la conduite des affaires.
— Ce
n’est pas vrai !
Des rangs
des sénateurs montèrent des huées désapprobatrices qu’Adonibaal fit taire d’un geste
de la main :
— Plusieurs
de mes collègues et de nos officiers peuvent en témoigner, tes agents ont
excité contre lui les mercenaires en leur faisant croire qu’il était le seul
responsable de leurs maux. S’il s’était agi de tout autre que mon fils, j’aurais
demandé ta mise en accusation par le Conseil des Cent Quatre. Je ne le ferai
pas et interdis à quiconque de le faire pour bien marquer que notre querelle
n’a pas de motifs personnels.
— Voilà
donc les Barca à nouveau maîtres de Carthage, soupira Baalyathon. Puisse Baal
Hammon ne pas nous reprocher ce choix ! Illustres collègues, avec beaucoup
de tristesse, je reconnais mes erreurs et vous demande d’envoyer à Mégara le
noble Adonibaal supplier son fils de prendre la tête de nos armées.
— Je
n’aurais pas à le supplier. Il me suffira de lui dire que sa ville est
réellement en danger pour qu’il fasse
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