Hamilcar, Le lion des sables
une attaque à laquelle nous ne serions pas en mesure de résister. À
ce moment-là, les Carthaginois oublieront leurs belles promesses et nous
massacreront tous sans pitié. Pour prévenir ce danger, je ne vois qu’une
solution : créer entre la cité d’Elissa et ses anciens mercenaires un
fossé infranchissable. Nous devons nous résoudre à l’irréparable. Pour cela,
nous n’avons qu’un seul choix : torturer et tuer Giscon et ses hommes.
Une
immense acclamation salua ces paroles. Seuls quelques hommes protestèrent. L’un
d’entre eux, un Gaulois, s’adressa à ses compagnons :
— Mes
frères, j’ai versé mon sang pour Carthage comme le prouvent les cicatrices qui
me couvrent le corps. Elle me doit beaucoup d’argent et je n’entends pas lui en
faire cadeau. Mais je suis un homme d’honneur. Giscon s’est toujours comporté
généreusement envers nous et c’est grâce à ses efforts que nous avons pu
quitter la Sicile avec nos armes et nos montures. Il a fait ce qu’il pouvait
pour nous aider. Puisque vous avez décidé sa mort, épargnez-lui au moins la
torture. Il ne la mérite pas.
L’homme
avait à peine fini de parler qu’Autaritos le frappa de son glaive :
— Voilà
le sort que je réserve à tous les alliés et à tous les complices de Carthage.
Sus à Giscon et aux siens !
Assoiffés
de sang, les mercenaires se dirigèrent vers l’enclos où étaient parqués les
prisonniers. Les malheureux furent conduits, sous les insultes et les coups, en
dehors du camp où on leur coupa les mains et les pieds avant de les jeter dans
une vaste fosse où ils agonisèrent de longs jours durant. A la fin, ne
supportant plus les cris et les plaintes de leurs victimes, les mercenaires les
recouvrirent de terre si bien que ceux qui avaient encore un souffle de vie
périrent étouffés.
Du haut
des murailles de Carthage, les familles des captifs avaient pu observer leur
supplice. Quand tout fut fini, le Conseil des Cent Quatre envoya des émissaires
auprès des mercenaires, leur proposant de racheter, moyennant une forte somme,
les cadavres afin de rendre à ceux-ci les derniers honneurs. Faisant fi de
toutes les lois de la guerre, Spendios refusa de rendre les corps et menaça les
envoyés de leur faire connaître le même sort. Il accepta finalement de les
laisser repartir mais les prévint que, désormais, tout ambassadeur carthaginois
serait immédiatement mis à mort.
La cruauté
de Spendios provoqua chez Hamilcar une violente colère. Certes, il n’avait
jamais aimé Giscon, responsable de la mort de l’un de ses amis, mais il ne
pouvait accepter cet acte d’inhumanité des mercenaires. Pour les châtier, il
fit piétiner par ses éléphants tous les captifs en sa possession. Puis,
désireux de passer le plus rapidement possible à l’action, il demanda à Hannon
de le rejoindre avec ses troupes. Les deux ; armées pourraient ainsi
conjuguer leurs opérations et tenter de délivrer Utique toujours assiégée.
L’idée n’était pas des plus heureuses. Mauvais soldat, Hannon était d’une
susceptibilité maladive et jugeait contraire à sa dignité d’obéir à Hamilcar,
plus jeune que lui et donc, à ses yeux, moins expérimenté. Il refusa
systématiquement d’exécuter les consignes reçues et mit ainsi, à plusieurs
reprises, ses hommes en difficulté. Excédé, Hamilcar sollicita l’arbitrage du
Conseil des Cent Quatre qui décida de rappeler à Carthage Hannon et de laisser
à Hamilcar le soin de mener seul la campagne.
À
l’approche de la mauvaise saison, le fils d’Adonibaal décida de suspendre
momentanément les opérations militaires et de s’enfermer à l’abri de la
muraille. Un soir, à Mégara, son père insista pour le voir.
— Hamilcar,
tu le sais, la ville bruit de rumeurs diverses. On te reproche ton inaction et
ton attentisme. Toi, qui étais jadis si prompt à agir, je ne te reconnais plus.
— Je
comprends ton étonnement mais ne sois pas inquiet. Je fais la guerre, même loin
du champ de bataille. La partie est de taille et je veux mettre tous les atouts
de mon côté en m’assurant de la neutralité de nos pires ennemis, les Romains.
— As-tu
eu des contacts avec eux ?
— Par
la force des choses. Nos navires ont arraisonné des bateaux marchands romains
chargés de vivres destinés aux mercenaires. Les équipages ont été conduits au
port militaire et j’ai veillé à ce qu’ils soient bien traités.
— Nous
aurions dû
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