Hamilcar, Le lion des sables
Rendus furieux
par les cris des soldats et le choc des armes, ils les piétinèrent. Affaiblis
par les privations, les hommes de Spendios n’avaient plus la force de fuir. Les
plus résignés attendaient, les yeux emplis d’horreur, d’être écrasés par les
pachydermes, les autres se jetaient sous leurs pieds en poussant des cris
farouches. À la fin de la journée, près de quarante mille cadavres jonchaient
le sol.
***
Après
cette victoire, Hamilcar décida de retourner à Carthage afin de livrer bataille
à Matho, solidement retranché dans son camp de Tunès. Pour l’impressionner et
tenter de l’amener à capituler, il fit crucifier Spendios et ses neuf
compagnons à quelques stades de la palissade des rebelles. Laissant là ses
hommes, il gagna sa propriété de Mégara où ses enfants l’accueillirent avec une
joie teintée d’inquiétude. Hamilcar questionna son jeune fils :
— Hannibal,
ton air soucieux ne convient pas à un garçon de ton âge. Tu devrais jouer avec
le fils de Juba plutôt que de ruminer de sombres pensées.
— Père,
j’ai peur.
— Peur
de quoi ? Un Barca ne connaît pas ce sentiment.
— Des
bruits courent dans la ville. On murmure que la guerre dure depuis trop
longtemps et que seule une intervention des dieux pourra y mettre fin.
Sans
blasphémer, je n’ai pas attendu ceux-ci pour écraser nos ennemis au défilé de
la Scie.
— Les
prêtres de Baal Hammon ont convaincu le peuple qu’il fallait, pour obtenir la
victoire, offrir à leur dieu un sacrifice molk.
— Es-tu
sûr de cela ?
— C’est
une rumeur mais toute la ville en parle.
— Je
comprends mieux tes inquiétudes. Notre cité est prise de folie et elle veut
renouer avec certaines traditions de nos pères auxquelles nous avions renoncé.
Jeter dans le brasier des enfants ne nous servira à rien. Un dieu qui aime le
sang est trop mauvais pour être capable de prêter assistance à ses fidèles.
Voilà pourquoi notre clan, les Barca, a choisi d’honorer Melqart plutôt que
Baal Hammon.
— Père,
sache que je n’ai pas peur de mourir pour ma ville. Comme toi, j’aspire à lui
offrir ma vie à condition que cela soit sur un champ de bataille. Mais je ne
veux pas être brûlé vif et je me défendrai jusqu’au bout, dussé-je tuer ou
blesser un prêtre.
— Tu
n’auras pas à le faire.
Après cet
entretien, Hamilcar convoqua Himilk, son intendant.
— Ton
fils Magon est-il toujours chez notre ami Juba ?
— Oui.
Sa femme et son fils sont ici et te remercient pour ta généreuse hospitalité.
— Toi
aussi, tu as l’air soucieux.
— Magon
me manque et nous n’avons plus de ses nouvelles depuis plusieurs mois. Je me
méfie des Numides.
— Tu
as tort.
— Je
sais mais mes parents ont été jadis tués par des pillards de cette race et je
leur voue depuis haine et exécration. J’ai peur que mon fils ne soit retenu
prisonnier contre son gré. Je n’ai pas les moyens de le racheter et je tremble
à l’idée qu’il puisse être la victime d’une traîtrise.
— Je
comprends tes sentiments. Tu es un serviteur dévoué de notre famille et
j’entends te manifester ma reconnaissance de la manière la plus éclatante. Dès
ce soir, mes enfants partiront avec Épicide chez Juba. Ils seront porteurs
d’une lettre dans laquelle je proposerai à mon ami de les prendre en otages et
de libérer Magon si ce dernier est captif. N’aie aucune crainte, ils
reviendront tous sains et saufs et nous fêterons joyeusement cet événement.
— Et
s’ils ne revenaient pas ?
— Juba
serait alors châtié. Pour apaiser tes dernières inquiétudes, je vais faire
plus. J’adopte aujourd’hui le fils de Magon. Il est dès maintenant mon fils et
héritera de mes biens si mes autres enfants ne peuvent le faire.
— Maître,
tu es la générosité même et je m’honore que mon petit-fils soit désormais ton
fils. Ton père et moi n’avez jamais cessé de me combler de bienfaits. Sache
que, le moment venu, tu pourras tout exiger de moi.
— C’est
déjà fait.
Le soir
même, une petite troupe quitta Mégara au galop, accompagnée de quelques gardes.
Le lendemain, Hamilcar fut réveillé par Bostar, son aide de camp préféré.
— Fils
d’Adonibaal, ta présence est requise à la Porte neuve.
— Que
se passe-t-il ?
— Nos
soldats refluent vers la ville dans le plus grand désordre.
— Pourquoi
fuient-ils ?
— Ils
ont commis une grave erreur. Après
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