Hamilcar, Le lion des sables
que leurs
éléphants et leur cavalerie n’étaient pas utilisables dans des reliefs
escarpés. Par contre, en plaine, ils étaient invincibles et c’est la raison
pour laquelle les mercenaires préféraient demeurer sur les hauteurs.
Alors
qu’il chevauchait en tête de ses hommes, Hamilcar fut rejoint par Nahrawas.
— Juba
m’a envoyé un messager. Il me charge de te dire qu’il a pleuré en apprenant la
mort d’Adonibaal. Il le considérait comme son père et lui était redevable du
peu qu’il a appris.
— Ton
frère est aussi le mien. Il est normal que nous partagions les mêmes peines.
Parlons, si tu veux bien, de la situation. J’enrage de devoir suivre nos
ennemis sans pouvoir les attaquer. S’ils le veulent, ils peuvent nous emmener
de la sorte jusqu’aux colonnes de Melqart.
— Rassure-toi,
ton attente va bientôt prendre fin.
— J’en
doute.
— Ne
sois pas trop pressé. Je connais bien cette région pour y avoir souvent chassé.
Ces imbéciles ont pris la mauvaise route. Dans deux jours, ils arriveront à un
endroit que nous appelons le défilé de la Scie. Il est composé de différentes
gorges dissimulées les unes aux autres et qui ressemblent aux dents d’une scie.
Celui qui s’y aventure ne sait pas qu’il se termine par une gigantesque
muraille rocheuse, totalement infranchissable.
— Tu
veux dire que ce défilé est en fait un cul-de-sac et qu’on ne s’en aperçoit
qu’au dernier moment ?
— Absolument.
C’est pourquoi il faut laisser les mercenaires poursuivre leur chemin. Quand
ils pénétreront dans le défilé, nous ferons rapidement mouvement dans leur
direction. Avec ma cavalerie, je bloquerai l’entrée. Toi et tes hommes, vous
occuperez les hauteurs. Nous n’aurons plus qu’à attendre que ces maudits
insurgés nous supplient d’accepter leur reddition.
— Merci
de ce renseignement dont je mesure bien l’importance. C’est un nouveau gage de
ta fidélité envers Carthage.
— Envers
Hamilcar Barca parce qu’il est l’ami de mon frère. De ta cité, je préfère ne
rien dire si j’en juge par l’ingratitude dont elle fit jadis preuve à ton
égard.
Nahrawas
avait vu juste. Mal renseignés par leurs guides, les mercenaires s’engouffrèrent
dans le défilé de la Scie, marchant d’un pas allègre. Leur longue colonne
serpenta à travers les gorges puis s’arrêta, muette de surprise et
d’indignation, devant la falaise gigantesque qui leur barrait le passage. Les
trompettes retentirent pour ordonner aux hommes de faire demi-tour mais bien
peu les entendirent. En effet, leurs notes furent couvertes par un fracas
épouvantable. C’était le bruit des blocs de rochers auxquels les soldats
d’Hamilcar faisaient dévaler la pente pour obstruer l’entrée du défilé.
En bons
militaires, Spendios et Autaritos évaluèrent assez précisément la situation.
Celle-ci était quasiment désespérée mais ils jugèrent préférable de ne pas
alarmer leurs hommes auxquels ils ordonnèrent d’installer leurs tentes comme si
de rien n’était. Bientôt, alors que la nuit tombait, les premiers feux furent
allumés et alimentés par les nombreux buissons couvrant les pentes. Jusque tard
dans la nuit, on entendit les chants des Gaulois et des Sardes, des mélopées
graves et plaintives, parlant du pays natal et de ses splendeurs. Au petit
matin, les hommes se réveillèrent, attendant les ordres de départ qu’auraient
dû leur donner leurs chefs. De longues heures s’écoulèrent avant que Spendios
et Autaritos daignent paraître, accompagnés de Zarzas, un adjoint de Matho.
Spendios fut le seul à parler :
— Mes
frères, nous sommes tombés dans un traquenard de par la faute de nos guides que
j’ai fait exécuter cette nuit. J’ai envoyé plusieurs messagers à nos hommes
installés à Tunès. Dix sont partis et l’un d’entre eux au moins aura réussi à
franchir les lignes ennemies. Dans quelques jours, Matho sera là, avec ses
soldats et des provisions. Il nous délivrera et nous pourrons reprendre la
lutte contre Hamilcar Barca. En attendant, ne gaspillons pas nos provisions.
L’eau et la nourriture vous seront distribuées deux fois par jour par vos
officiers. Soyez forts et courageux, ce n’est qu’un mauvais moment à passer.
Dans quelques jours, vous ferez ripaille dans les ruines du camp carthaginois.
Les
mercenaires se séparèrent, plutôt optimistes. Ils faisaient une confiance
aveugle à Spendios. Ce qu’il disait
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