Hamilcar, Le lion des sables
sans
armes.
Le
lendemain, Spendios, Autaritos, Zarzas et leurs compagnons arrivèrent devant la
tente d’Hamilcar. Celui-ci les accueillit de manière affable et leur proposa
d’emblée des fruits et des rafraîchissements. Les émissaires se regardèrent les
uns les autres, tentant de deviner qui serait le premier à dévorer à belles
dents un fruit ou à boire une coupe de vin de Sicile. Bientôt, ils ne firent
plus attention aux réactions de leurs voisins, trop heureux de pouvoir enfin
s’alimenter après tant de dures privations. Le fils d’Adonibaal les laissa
faire. Si les chefs se conduisaient de la sorte, que devait-il en être de leurs
hommes ? Grâce à sa petite ruse, il savait, avant de commencer la
discussion, que ses interlocuteurs n’étaient pas en mesure de s’opposer à ses
exigences. Cela valait bien une petite mise en scène. Il s’adressa à eux dès
qu’il les vit rassasiés :
— Que
souhaitez-vous ?
— Savoir
si la paix est possible entre nos peuples, fit Spendios.
— Ce
n’est pas nous qui avons déclaré cette guerre.
— C’est
vrai. Reste qu’elle peut se poursuivre. Tu n’ignores pas que Matho vient à
notre secours.
— Cela
m’étonnerait beaucoup.
— Nous
lui avons envoyé des messagers.
— Tu
parles de ces dix hommes que j’ai fait crucifier. Matho ignore tout de votre
situation. Ne comptez pas sur lui.
— Quelles
sont tes conditions si nous te proposons de nous rendre ?
— Pourquoi
le feriez-vous ?
— Tu
nous nargues. Tu sais très bien que nous n’avons plus d’eau ni de vivres et que
nous sommes condamnés à périr d’inanition si nous restons dans ce maudit
défilé.
— Ce
pourrait être le juste châtiment de vos fautes et de vos actes de cruauté
envers Giscon et ses compagnons. Néanmoins, je n’oublie pas que vous avez jadis
servi sous mes ordres en Sicile et que vous fûtes de bons soldats. Voici donc
mes exigences qui ne souffrent aucune discussion : vous déposerez vos
armes au fond du défilé, puis vous vous présenterez à son entrée. J’accorde la
liberté à tous vos hommes à condition qu’ils promettent de ne plus combattre ma
cité et qu’ils abandonnent tous leurs biens hormis leur tunique. Dix hommes
pris au hasard parmi vous répondront sur leur vie de la bonne exécution de cet
engagement et je déciderai seul de leur sort.
— Ta
proposition est généreuse, dit Spendios. Je ne doute pas qu’elle soit acceptée
par les mercenaires. En fait, elle l’est déjà puisque nous avons pouvoir de
parler en leur nom. Nous avons conclu un pacte. Fassent les dieux qu’il soit
scrupuleusement respecté.
— Il
le sera. Donc, vous me confirmez que votre parole suffit pour que notre pacte
soit valable et puisse entrer en application. Si tel est le cas, vous êtes et
je suis en droit de prendre les premières mesures qu’exige la situation.
— Tu
as parfaitement raison. Nous ne demandons pas mieux. Il est temps d’abréger les
souffrances de nos troupes.
— Fort
bien. Je vous ai dit que dix de vos hommes répondraient sur leur vie de
l’exécution de notre traité. Eh bien, ces dix soldats, je les ai devant moi.
— Hamilcar,
tu déraisonnes, protesta Spendios. Nous pensions que tu choisirais ces dix
otages au hasard parmi nos mercenaires.
— Justement,
ceux que m’avait judicieusement désignés le hasard sont venus en tant
qu’ambassadeurs. Vous m’avez demandé d’appliquer notre convention, je le fais.
Gardes, emmenez les prisonniers.
Dans le
camp des mercenaires, on était sans nouvelles des émissaires. Quand la nuit
tomba, ils n’étaient pas de retour. Les hommes ne s’inquiétèrent pas : les
discussions étaient sans doute plus longues que prévu. Au bout de deux jours,
ils s’assemblèrent, persuadés qu’Hamilcar avait fait exécuter les ambassadeurs.
Désespérés, ils se précipitèrent vers l’entrée du défilé et, mus par un
instinct élémentaire de survie, parvinrent à escalader les rochers barrant le
passage. Bientôt, ils se retrouvèrent dans un vaste espace plat où ils
s’allongèrent pour souffler un peu. Ils furent brusquement réveillés par un
bruit terrifiant, celui des éléphants d’Hamilcar. Quand il avait observé la
fuite des mercenaires, le général avait ordonné à ses officiers de rassembler
les éléphants dans la plaine et de les conduire vers l’entrée du défilé. Dès
qu’ils virent la masse des mercenaires, les animaux chargèrent.
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