Hamilcar, Le lion des sables
avoir crucifié Spendios et les siens, ils se
sont débandés. Les uns sont partis piller des domaines, les autres se sont
enivrés et ont abandonné leurs postes. Quand Matho s’en est aperçu, il en a
profité pour lancer une attaque surprise contre notre camp. La chance lui a
souri. Il a massacré tous les soldats tombés entre ses mains. Sa vengeance ne
s’est pas arrêtée là. Il a fait crucifier à la place de Spendios Hannibal le
prudent, l’un de nos généraux, et trente sénateurs venus célébrer avec lui ta
victoire. Maintenant, il a encerclé Carthage avec ses troupes et ses machines
de guerre battent de leurs pierres nos murailles.
— Merci
de tes informations. Je n’ai décidément pas de chance avec mes généraux. Il
semble que, la plupart du temps, ils n’ont qu’une idée en tête : me priver
des fruits de nos triomphes. Je te suis. Il me tarde d’examiner la situation.
Arrivé à
la Porte neuve, Hamilcar put prendre la mesure du désastre. La plaine
grouillait de mercenaires qui insultaient les Carthaginois regroupés sur la
muraille et leur promettaient les pires châtiments. À calculer le nombre de ses
hommes, il semblait que Matho avait reçu de nouveaux renforts envoyés par les
Libyens. Après avoir consulté ses officiers, Hamilcar Barca entreprit de
renforcer certaines positions et d’en dégarnir d’autres. Il était convaincu que
les mercenaires n’oseraient pas attaquer la triple enceinte mais qu’ils
tenteraient de percer les défenses du côté de Mégara.
En ville,
un véritable vent de panique soufflait. Ce nouveau revers des troupes
carthaginoises n’augurait rien de bon et les plus pessimistes, convaincus de la
chute imminente de leur cité, avaient déjà commencé à creuser des caches pour y
enfouir leurs richesses et leur or. Au Conseil des Cent Quatre, les discussions
allaient bon train. Baalyathon était de nouveau l’objet de sollicitations
flatteuses et se répandait en propos acrimonieux sur Hamilcar. Les
délibérations des sénateurs furent interrompues par un vacarme assourdissant.
La foule avait pénétré dans le bâtiment, conduite par le Kohen Hakohanim, le
grand prêtre de Baal Hammon.
Coiffé de
sa tiare et revêtu d’une longue tunique de lin blanc, celui-ci interpella les
magistrats :
— Baal
Hammon nous inflige un cruel châtiment mais nous le méritons. Dans votre
orgueil et dans votre impiété criminelle, vous avez négligé de lui offrir les
sacrifices molk qu’il réclame car tel est son droit et son bon plaisir.
Longtemps, notre dieu a fait preuve de clémence envers vous, espérant que vous
vous amenderiez et rétabliriez les traditions de nos pères. Vous n’avez pas
écouté mes avertissements et votre cœur s’est endurci. Au lieu de vous rendre
au sanctuaire de Baal Hammon, vous avez préféré honorer Eshmoun ou Ashtart.
Aujourd’hui, votre ingratitude est sévèrement punie.
— Prêtre,
que devons-nous faire ? murmura d’une voix faussement craintive et
suppliante Baalyathon.
— Offrir
à Baal Hammon ce qui lui est dû, vos enfants. J’ai ici la liste des
premiers-nés des plus illustres familles de la ville. Qu’ils soient conduits
sur l’heure au sanctuaire pour y retrouver les autres enfants que nos courageux
et pieux concitoyens ont spontanément offerts pour être sacrifiés.
La foule,
ivre de colère et de piété, poussa des cris d’approbation. Dans les quartiers
riches de la cité, l’on ne tarda pas à entendre les cris déchirants des mères
tentant d’arracher aux soldats venus les chercher leurs enfants. A Mégara,
Hamilcar reçut lui-même l’officier venu lui réclamer son fils. Il feignit la
plus grande douleur avant de se ressaisir :
— Attends-moi
ici. Tu repartiras avec lui.
Le fils
d’Adonibaal s’enquit de la présence d’Himilk dans la maison. Un esclave lui
apprit qu’il était absent. Il lui ordonna d’aller chercher le petit-fils de
l’intendant, un gamin de trois ans, à l’air rieur et enjoué. Il le cajola et
lui dit que son grand-père l’attendait en ville où l’on allait le conduire. Il
se tourna ensuite vers l’officier :
— Prends
l’enfant des Barca.
— Ce
n’est pas ton fils.
— Si.
— Non.
Hannibal, que tout le monde connaît, est plus âgé.
— C’est
vrai mais il se trouve actuellement chez les Numides. Tu peux fouiller toute la
maison, tu ne le trouveras pas. J’ai adopté cet enfant. Il est donc mon fils et
je l’offre à ma
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