Hamilcar, Le lion des sables
ville. À propos, quel est ton nom ?
— Bomilcar.
— Sache
que je vais te permettre ce que je n’ai jamais toléré chez quiconque. Fais-moi
violence en me menaçant de ton épée alors que je suis désarmé pour m’arracher
cet enfant afin que tous soient témoins que je n’ai pas voulu sa mort et que tu
l’as pris en application des ordres du Conseil des Cent Quatre. Je t’en
récompenserai plus tard.
L’officier
acquiesça et se conduisit comme l’avait exigé Hamilcar. À Carthage, les
citoyens s’étaient rassemblés dans le sanctuaire de Baal Hammon, devant la
gigantesque statue du dieu. Au pied de celle-ci, une porte de bronze donnait
sur une fosse où brûlait déjà un bûcher. Les flammes semblaient former une
véritable mer de feu. Sur le côté droit, se tenaient les parents des enfants
promis au sacrifice. Conformément à la tradition, ils faisaient mine d’être
joyeux, jouaient avec leurs enfants, les caressaient et les couvraient de
baisers tout en leur promettant mille douceurs s’ils étaient bien sages.
Le Kohen
Hakohanim leva la main :
— Peuple
de Carthage, il est temps de solliciter le pardon de Baal Hammon. Puissent ces
offrandes nous valoir à nouveau ses faveurs !
Il prit
dans ses bras un bébé hurlant de terreur et le jeta dans la fosse, imité par
les autres prêtres et les fidèles. En proie à une véritable folie, ceux-ci ne
se contentèrent pas de sacrifier leurs premiers-nés mais aussi leurs frères et
leurs sœurs, insensibles à leurs supplications et à leurs cris déchirants.
Quand la cérémonie se termina, près de mille enfants avaient péri et la cité
put enfin s’abandonner à sa douleur.
Pendant
plusieurs semaines, Carthaginois et mercenaires s’observèrent. Les machines de
siège des rebelles n’avaient pu venir à bout des solides murailles de la ville
et ses défenseurs se tenaient à l’abri derrière, ne tentant que de rares
sorties en groupes compacts et rompus à fuir dès que l’ennemi s’approchait.
Enfermé chez lui à Mégara, Hamilcar travaillait d’arrache-pied avec ses
officiers au plan de la prochaine bataille. Un matin, il fut convoqué devant le
Conseil des Cent Quatre. Baalyathon l’interrogea d’un ton sec et haineux :
— Que
fait notre général en chef ?
— Il
prépare sa campagne.
— Voilà
une occupation digne de ses talents. En attendant, la ville est assiégée et
nous en sommes réduits à contempler du haut de nos murailles les incendies qui
détruisent nos propriétés. Est-ce pour cela que nous t’avons rappelé pour que
tu prennes la tête de nos troupes ?
— Vous
m’avez nommé à ce poste parce que vos autres généraux ont fait preuve de leur
incompétence.
— Tu
as raison mais cela ne justifie en rien ton inaction.
— Baalyathon,
tu ne feras jamais un bon stratège. Tu es impatient comme une femmelette et tu
enrages parce que nous ne nous battons pas. Pourtant, tu n’es qu’un civil.
Imagine en conséquence ce que Matho et ses hommes doivent ressentir. Ce sont
des soldats, de bons soldats, et l’oisiveté leur pèse. De plus, ils n’aiment pas
les sièges. Ils préfèrent se battre sur un champ de bataille et eux aussi se
morfondent derrière les palissades de leur camp. Je compte les y laisser moisir
encore quelques semaines. Quand ils seront à bout, je quitterai la ville par la
porte de Mégara en direction du fleuve Macaras. C’est là qu’aura lieu
l’affrontement décisif dont je compte bien sortir vainqueur.
— Ton
plan est habile mais les mercenaires accepteront-ils de se plier à tes
desseins ?
— Ils
n’ont pas d’autre solution. Ils savent qu’ils ne peuvent pas prendre nos
murailles.
— Que
tout soit terminé avant la mauvaise saison ! Voici le vœu du Conseil des
Cent Quatre.
— Vous
serez obéis.
Hamilcar
se retira avec ses aides de camp au nombre desquels figurait désormais
Bomilcar. Baalyathon l’avait remarqué et convoqua un soir l’officier dont il
connaissait le père :
— Bomilcar,
te voilà au fait des honneurs puisque Hamilcar t’a appelé auprès de lui. Tu as
dû l’impressionner par tes prouesses au combat encore qu’à bien y réfléchir,
cela soit impossible. Tu appartenais à la garde sénatoriale et tu n’as jamais
quitté la ville. Je m’explique donc mal cette soudaine marque de confiance d’un
Barca envers toi.
— Je
ne sais s’il m’est permis de t’en révéler la cause.
— Ce
n’est pas moi mais le
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