Hamilcar, Le lion des sables
la guerre. J’ai dit. Qui
m’approuve ?
Hormis
Baalyathon et trois autres sénateurs, tous adoptèrent la résolution proposée
par Adonibaal.
Après
avoir salué un par un les membres du Conseil des Cent Quatre, celui-ci regagna
sa demeure de Mégara où l’attendait impatiemment Hamilcar. Mais, avant même
d’échanger quelques mots avec son fils, le sénateur se retira dans ses
appartements pour dicter à un scribe la lettre destinée à Hannon et sur laquelle
il apposa le sceau du Conseil. Ce n’est qu’après s’être acquitté de cette tâche
qu’il rejoignit l’élève d’Epicide.
— Père,
dit Hamilcar, comment te remercier pour tes somptueux présents que j’ai
découverts hier soir ?
— En
te montrant digne de moi et des miens. Hamilcar frappa de son poing droit le
haut de sa cuirasse.
— Je
le jure !
— Bien.
Évitons les adieux trop longs. Il est temps pour toi de gagner le port si tu
veux embarquer avant la nuit à bord de la quinquérème qui te mènera en Sicile.
Avec qui pars-tu ?
— Avec
Épicide et Juba.
A l’énoncé
de ce dernier nom, la mine d’Adonibaal se renfrogna mais il se garda bien
d’émettre le moindre jugement.
— Eh
bien, pars. Tu me rendras compte à ton retour de ta mission !
***
Hamilcar
avait quitté à cheval Mégara, suivi de ses deux compagnons. Leurs bagages
seraient apportés directement au port militaire et, après inspection, chargés à
bord du navire. Pour le moment, les trois hommes galopaient à travers les
vergers, les deux plus jeunes poussant à intervalles réguliers des hurlements
de joie. Ils ralentirent l’allure en arrivant aux premières maisons de la
ville. Bientôt, ils descendirent de leurs montures et finirent par les confier
à un esclave gaulois de la propriété croisé dans la rue, à charge pour lui de les
ramener à Mégara.
En ce
milieu d’après-midi, la foule se pressait dans les différentes artères de la
cité. C’était une foule bruyante, joyeuse, colorée, que les marchands
n’hésitaient pas à solliciter en vantant haut et fort les mérites de leurs
marchandises. Après avoir traversé le maqom, les trois hommes se dirigèrent
vers la ville basse, le quartier des artisans. Potiers, verriers, menuisiers,
tisserands et tailleurs de pierre y vivaient côte à côte, dans un désordre
pittoresque. Des femmes et des enfants s’affairaient, portant aux travailleurs
la terre, l’eau et le bois dont ils avaient besoin pour les fours et les
ateliers de poterie. Les autres chargeaient sur des carrioles brinquebalantes
briques, vases, tuiles et poteries. Une odeur âcre se dégageait des grandes
citernes dans lesquelles les teinturiers foulaient aux pieds les tissus pour
leur donner leur couleur définitive. Ailleurs, les orfèvres, accroupis à même
le sol de leur atelier, travaillaient l’or, l’argent et le bronze au son du
cliquetis de centaines de marteaux. De part et d’autre de chaque ruelle
recouverte d’une mince couche de terre battue, se dressaient des maisons à
trois, quatre ou cinq étages, où s’entassaient des dizaines et des dizaines de
personnes. C’était là, dans ces taudis, que vivait le petit peuple de Carthage.
Des hommes et des femmes simples, frustes, farouchement attachés à leurs dieux
et à leur cité. Pour s’attirer ses faveurs, les sénateurs avaient fait
construire des dizaines de fontaines publiques où les humains et les animaux
venaient se désaltérer et s’approvisionner en eau. Portant de lourdes jarres de
terre cuite sur leur tête, les femmes, accompagnées d’une marmaille en
guenilles, s’attardaient volontiers autour du point d’eau, échangeant
plaisanteries et commérages.
Hamilcar
et ses compagnons dépassèrent le quartier des artisans. Au lieu de se diriger
vers le port, ils obliquèrent dans la direction du Baal Qodesh Hammon,
l’enceinte sacrée dédiée à Baal Hammon, le principal dieu de Carthage. Sur
cette aire à ciel ouvert, les fidèles avaient, au fil des générations, déposé
des centaines et des milliers d’urnes et de stèles ornées d’inscriptions
variées. Tantôt l’on sollicitait les faveurs du dieu, tantôt on le remerciait
pour ses bienfaits. C’est là aussi que se déroulaient les sacrifices solennels
en l’honneur de Baal Hammon, notamment lorsque la cité était confrontée à un
danger. Avant de s’embarquer, le fils d’Adonibaal avait voulu se recueillir
quelques instants devant la stèle érigée
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