Hamilcar, Le lion des sables
part et d’autre de l’immense statue en or du dieu. Les
sénateurs arrivaient par petits groupes, échangeant entre eux des propos sans
importance sur un ton courtois. Lorsque tous furent là, Mahrabaal ouvrit la
séance :
— Illustres
membres du Grand Conseil, nous avons à prendre aujourd’hui des décisions
lourdes de conséquences pour l’avenir de notre cité. Je requiers donc toute
votre attention. Vous savez tous que les Mamertins ont sollicité notre aide et
que nous la leur avons accordée en dépêchant auprès d’eux l’amiral Hannon. Un
autre de nos alliés, le roi Hiéron de Syracuse, nous a envoyé une ambassade
pour sonder nos intentions. Lui aussi s’estime menacé par les Romains et craint
que ceux-ci ne débarquent dans l’île et ne mettent le siège devant sa cité.
Jusqu’à présent, il était en guerre avec les Mamertins qui ravageaient les territoires
placés sous son autorité. Il est prêt à oublier généreusement les injures du
passé et à joindre ses troupes aux nôtres pour venir en aide aux habitants de
Messine. D’autres villes grecques de Sicile se rallieront à lui dès qu’elles
auront eu l’assurance que Carthage est prête à tout pour obliger les Romains à
respecter les traités. C’est là une occasion magnifique que nous ne pouvons pas
laisser échapper.
— Mahrabaal,
tu parles avec talent mais ce ne sont pas des étrangers qui vont dicter sa conduite
à la ville d’Elissa !
L’auteur
de cette interruption, prononcée d’une voix suave et mielleuse, était
Baalyathon, l’un des hommes les plus riches de la ville. Adonibaal le
connaissait bien puisqu’il avait un fils de l’âge d’Hamilcar, Carthalon, qui avait
été le compagnon de jeux de son rejeton. Il avait fait partie de l’ambassade
envoyée à Rome après la malheureuse affaire de Tarente et, depuis cette date,
ne cessait de vanter la richesse et la puissance de la cité de Romulus.
— Qu’entends-tu
par là, Baalyathon ? rétorqua Mahrabaal.
— Les
Mamertins et les Syracusains nous ont trahis à plusieurs reprises dans le passé
et les seconds ont même poussé l’audace, il y a deux générations de cela,
jusqu’à débarquer dans la région du Beau Promontoire où ils dévastèrent les
propriétés de vos ancêtres. Voilà une belle façon d’honorer la mémoire de vos
pères que de vous allier avec les artisans de leurs malheurs ! Craignons
plutôt que les dieux ne cherchent à se venger sur nous d’un pareil affront.
Adonibaal
sentit que Baalyathon venait d’ébranler la conviction des membres du Conseil.
S’il ne parlait pas maintenant, son camp, partisan de la fermeté absolue à
l’égard de Rome, serait mis en minorité. Il se leva et se plaça au milieu de la
nef du temple, puis martela d’un ton sec ces phrases :
— Balyaathon,
mon ami, ta fidélité à l’égard de nos pères est égale à l’amour que tu portes à
notre patrie. Toi qui connais si bien les Romains, peux-tu nous assurer qu’ils
ne débarqueront pas en Sicile et qu’ils ne tenteront pas de s’emparer de nos
établissements dans cette île ? Tu nous dis qu’ils ont des intentions
pacifiques. Pourquoi alors ont-ils réuni plusieurs légions à Rhêgion ?
— Adonibaal,
nul ne peut prévoir l’avenir hormis les prêtres qui savent lire dans les
entrailles des animaux et dans la fumée de l’encens. Mon avis est qu’ils
veulent prendre Messine et Syracuse pour en piller les richesses et y établir
des garnisons.
— Celles-ci
seront autant de menaces pour nos possessions qui attireront les convoitises
des Romains. Illustres membres du Grand Conseil, combien parmi vous ont des
domaines en Sicile ?
Une
véritable forêt de bras se leva cependant qu’Adonibaal poursuivait :
— Vous
le voyez, ce ne sont point les Mamertins et les Syracusains qui dictent sa
conduite à Carthage, mais ses fils les plus illustres dont la fortune est
indispensable à la vie de notre cité. Allons-nous laisser cette dernière
s’appauvrir ?
— Non,
non ! un cri puissant parcourut toute l’assemblée.
— Voilà
pourquoi nous devons prévenir tout risque de débarquement romain en Sicile. Si
le Conseil le veut bien, je suggère d’envoyer à Hannon un message lui intimant
l’ordre de prévenir les Romains de Rhêgion que le simple fait de traverser le
détroit entre la grande terre et l’île sera considéré comme une violation des
traités signés entre nos deux cités et signifiera
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