Hamilcar, Le lion des sables
Hiéron. Ils avaient du mal à progresser dans les rues car
les Syracusains s’étaient massés nombreux sur leur passage pour les acclamer.
Hiéron ne
cacha pas sa joie en apercevant Hamilcar :
— Bienvenue
à vous, amis carthaginois, et à toi, plus particulièrement, Hamilcar Barca. Je
suis heureux de te retrouver. Tu as tenu ta promesse de revenir avec des
troupes fraîches et je t’en suis reconnaissant.
— Merci
de ces mots qui me vont droit au cœur. Je te présente notre chef, le général
Hannibal le prudent, sous les ordres duquel j’ai l’honneur de servir.
— Bienvenue
à toi, Hannibal le prudent. Syracuse se réjouit de ton arrivée.
— Et
je la remercie de son accueil. Quelle est la situation ?
— Les
Romains sont toujours enfermés dans la citadelle de Messine et les Mamertins se
sont joints à eux pour mener des attaques contre notre territoire. Des dizaines
et des dizaines de propriétés ont été incendiées et pillées et les récoltes
saccagées. Certains de leurs cavaliers ont même été aperçus à deux journées de
marche d’ici. C’est la raison pour laquelle mes troupes n’ont pas cherché à
engager le combat avec l’ennemi. J’ai préféré attendre l’arrivée des renforts
de Carthage.
— Tu
as agi sagement et nul ne peut t’en blâmer, approuva Hannibal. Mais cette
situation n’a que trop duré. Dès demain, nous marcherons sur Messine afin de
châtier l’insolence des Romains et la perfidie des Mamertins. Il faut agir
rapidement, faute de quoi Appius Claudius peut être tenté de demander à son Sénat
l’envoi de nouvelles légions. Nous nous trouverions alors dans une posture
difficile. De combien d’hommes disposes-tu, Hiéron ?
— Dix
mille environ.
— J’en
ai cinq mille avec moi et nos garnisons siciliennes comptent plus de quinze
mille hommes dont je ferai venir la moitié si nécessaire. Cela devrait nous
suffire.
***
Au matin,
les deux armées se mirent en marche dans un vacarme épouvantable. Les
Syracusains avaient pris position en tête et les colonnes de fantassins,
équipés de longues lances et d’un bouclier ovale, marchaient d’un pas allègre.
Ils étaient suivis par la cavalerie numide et par les hommes de troupe
d’Hannibal le prudent encadrés par leurs officiers. Puis venaient, tirées par
des bœufs, les machines de guerre qui faisaient la gloire de Syracuse :
des catapultes capables de lancer aussi bien de lourdes pierres que des
centaines de traits, des béliers et des tours de bois. À l’arrière, fermant le
cortège, une mer de chariots transportant le ravitaillement et des centaines de
femmes, les unes entassées dans des carrioles, les autres à pied, qui suivaient
leurs maris ou leurs compagnons. Autant de bouches supplémentaires à nourrir
mais c’était le lot habituel d’une armée en campagne et personne ne se serait
hasardé à les chasser. Chacun savait qu’après le combat elles seraient les
seules à parcourir le champ de bataille à la recherche des leurs, les soignant
lorsque cela était possible, ou leur prodiguant des paroles de consolation pour
mieux les aider à affronter la mort.
Hamilcar
chevauchait au côté d’Hannibal le prudent, s’étonnant de la richesse et de la
variété des paysages qui se déroulaient devant lui. C’était une longue
succession de champs et de collines boisées, un véritable lac de verdure
traversé parfois par quelques espaces désertiques où seule la pierre semblait
pousser. Au loin, on apercevait quelques belles demeures mais aussi les
misérables cahutes où s’entassaient les esclaves. Ceux-ci s’empressaient de
quitter les champs dès qu’ils voyaient le nuage de poussière soulevé par l’armée.
Ils redoutaient à juste titre les exactions des soldats et des maraudeurs,
prompts à piller les celliers et les étables en menaçant les malheureux de
leurs épées et de leurs lances.
Il fallut
deux semaines à l’immense cortège pour arriver devant Messine. Il avait été
immobilisé pendant deux jours par de fortes pluies qui avaient détrempé les
routes et rendu impossible la progression des machines de guerre et des
chariots de ravitaillement. Lorsque l’astre solaire daigna réapparaître, les
hommes sortirent de leurs tentes et vérifièrent soigneusement l’état de leur
équipement avant de reprendre leur marche. Dans les rangs, on les entendait
pester contre le temps et le froid mais ils se taisaient dès qu’un
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