Hamilcar, Le lion des sables
prudent, je suis heureux de servir sous tes ordres.
— Sous
mes ordres vraiment ? J’avais plutôt l’impression que tu es chargé de me
surveiller et que tes consignes te sont dictées par d’autres que moi.
— Je
comprends et je respecte tes craintes. Tu te méfies de moi et c’est bien
naturel. A ta place, je n’agirais pas autrement. Mais, crois-moi, je n’ai
aucune intention hostile à ton égard.
— Décidément,
tu es bien prévenant. Un peu plus et je vais finir par te croire.
— Tu
ferais bien.
— Et
pourquoi ?
— Parce
qu’il y va de l’intérêt même de Carthage et c’est celui-ci qui a toujours dicté
ta conduite. On l’a bien vu lors de la guerre que tu as menée contre les
Numides. Tu as refusé d’arracher leurs oliviers comme le suffète Magon te
l’avait ordonné. Une année après, notre ville manquait d’huile et elle fit bon
accueil à celle des Numides. Si l’on avait appliqué la sanction voulue par
Magon, la disette aurait régné dans nos murs.
— Comment
es-tu au courant de cette histoire ? Tu n’étais même pas né quand cela
s’est produit !
— Mon
père me l’a racontée car il te tient en haute estime, contrairement à ce que tu
peux penser. Cette anecdote, je ne l’ai pas entendue hier quand il m’annonça la
mission que me confiait le Conseil. Il me l’a narrée il y a des années de cela
lorsqu’il se préoccupait de mon éducation et m’instruisait des hauts faits de
notre peuple.
— Qu’as-tu
pensé de ma décision ?
— Elle
m’a plu.
— Qu’est-ce
que cela peut bien vouloir dire ? Tu n’en as pas profité, que je sache.
— Enfant,
j’avais constamment peur de désobéir au moindre ordre qu’on me donnait. J’étais
docile comme peut l’être un esclave. Quand mon père m’a raconté ton acte, j’ai
compris qu’il fallait parfois, je dis bien parfois, désobéir. Ce fait m’a
ouvert les yeux et m’a permis de juger les choses autrement et de cela, je te
suis reconnaissant, en dépit de la rudesse de ton accueil.
— Hamilcar,
tu me plais et je regrette mon comportement à ton égard. On m’avait rapporté
que tu étais un blanc-bec, je m’aperçois que ceux qui le disent ne te
connaissent pas. Je t’offre mon amitié et ma confiance. Ensemble, nous ferons de
grandes choses.
— Je
suis à tes ordres, dit en rougissant le fils d’Adonibaal.
— Prends
possession de tes quartiers. Demain, nous voguerons vers la Sicile. Nous ne
devons pas tarder car, dans quelques jours, commence la mauvaise saison. Il ne
sera plus possible de naviguer sur la grande mer pendant des mois et je redoute
d’être pris dans une tempête. Celles-ci peuvent survenir de manière inopinée et
je n’ai pas envie de perdre mes vaisseaux. Peut-être ne le sais-tu pas mais
notre flotte se compose de vingt trirèmes et de trente quinquérèmes.
— C’est
peu.
— Je
le sais, mais c’est ainsi. Maintenant, va, nous nous retrouverons sous peu.
Hamilcar
rejoignit ses compagnons. Durant toute la soirée, il ne cessa de leur parler
d’Hannibal le prudent en termes élogieux. Ils s’endormirent tard dans la nuit.
Au petit matin, la flotte quitta le port militaire. Sur les quais du port
marchand, une foule nombreuse s’était massée et acclamait les marins et les
soldats. Ses cris retentirent bien après que les bateaux eurent franchi le
chenal conduisant à la mer.
Durant
tout le voyage, Hannibal le prudent et Hamilcar passèrent de longues heures
ensemble, convoquant, de temps à autre, des officiers pour leur transmettre
leurs instructions. Un matin, ils aperçurent au loin les murailles de Syracuse.
À la fin de la journée, toute la flotte mouillait dans le port de la cité et,
par centaines, les soldats descendaient des navires pour gagner leurs
cantonnements, à l’intérieur et à l’extérieur de la cité. Les tentes furent
dressées et des feux allumés. Une joyeuse animation régnait dans le camp. Les
fantassins étaient heureux de marcher sur la terre ferme après tant de journées
passées en mer. Les cavaliers, heureux de retrouver leurs chevaux, les avaient
enfourché dès qu’ils avaient été descendus des quinquérèmes et s’étaient
dispersés dans la riche campagne qui entourait la cité. Leurs officiers durent
user de toute leur autorité pour les obliger à regagner le campement.
Hannibal
le prudent et Hamilcar, escortés par leurs principaux officiers, avaient, eux,
gagné le palais de
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