Hamilcar, Le lion des sables
romain.
Hamilcar
rejoignit Juba et lui donna l’ordre de rassembler leurs hommes. Ils quittèrent
la ville par la Porte neuve et galopèrent sur la route d’Hadrim à bride
abattue. À quelques dizaines de stades d’Aspis, leur progression fut stoppée
net par un flot de fuyards chargés de ballots que suivaient des chariots et
d’innombrables têtes de bétail soulevant sur leur passage un véritable nuage de
poussière. Parmi ces malheureux, le fils d’Adonibaal reconnut Himilk,
l’intendant de son père. Il descendit de cheval pour le saluer :
— Mon
ami, j’aurais aimé te rencontrer dans d’autres circonstances.
— Moi
aussi, Hamilcar. Inutile de poursuivre ta route plus avant à moins que tu ne
veuilles tomber sur les avant-gardes romaines. Leurs soldats ont mis à sac la
propriété de ton père et les autres alentour.
— Où
se trouve le gros de leur armée ?
— Près
d’Aspis. La ville est encerclée et assiégée. Les Romains ont tiré leurs navires
sur la grève et ceux qui ne se battent pas se sont dispersés dans la campagne
pour voler et piller. La population a été prise de panique et se replie vers
Carthage. Elle espère être à l’abri à l’intérieur de ses solides remparts.
Crois-moi, nous traversons une période terrible. Je me souviens des récits de
mon grand-père sur l’invasion du Beau Promontoire par Agathocle et j’ai
l’impression de revivre les mêmes choses.
— Que
comptes-tu faire ?
— Me
rendre à Mégara pour informer ton père de la destruction de sa propriété et
implorer son pardon puisque je n’ai pu la sauver.
— Tu
n’as rien à te reprocher. Les vrais coupables sont ceux qui ont laissé
débarquer ces Romains en ne détruisant pas leur flotte. Je rentre avec toi à
Carthage et mes cavaliers escorteront pour les protéger tes compagnons
d’infortune. En ce qui te concerne, je t’attache à ma personne comme intendant.
J’aurai besoin de tes services dans les mois à venir tant que nous n’aurons pas
chassé ces maudits Romains de notre sol.
À
Carthage, l’arrivée des réfugiés suscita diverses réactions. Beaucoup
éprouvaient de la pitié pour ces malheureux chassés de chez eux et dont la plus
grande partie serait réduite à vivre d’aumônes. D’autres, craignant que la
ville ne soit à son tour assiégée, estimaient que c’étaient autant de bouches
supplémentaires à nourrir et qu’il valait mieux les contraindre à partir pour
Sicca ou pour Utique. Le Conseil des Cent Quatre décida qu’ils seraient
installés à Mégara, le long des murailles, là où il y avait suffisamment de
place pour dresser des tentes et bâtir des huttes.
Au Sénat,
les séances se succédaient, toutes plus agitées les unes que les autres.
Adonibaal était l’objet de vives critiques de la part des partisans de
Baalyathon. Ce dernier, à la surprise générale, faisait preuve d’une étonnante
modération et d’un esprit de conciliation qu’on ne lui connaissait pas
jusque-là. Quand vint le moment de désigner le commandant en chef de l’armée,
il prit la parole d’un ton suave :
— Je
propose que nous nommions plusieurs généraux de telle sorte que s’établisse
entre eux une émulation bénéfique à tous. Les plus qualifiés à mon avis sont
Hasdrubal, fils d’Hannon, et Bostar. Je suggère que nous rappelions de Sicile
l’homonyme du fils d’Adonibaal, Hamilcar, avec cinq cents cavaliers et cinq
mille fantassins. Il a été battu à Ecnomos mais il a sauvé une grande partie de
la flotte et il connaît bien nos adversaires. Voici mon choix. Peut-être en
avez-vous un autre ?
Personne
ne prit la parole pour défendre un point de vue opposé. Revenu à Mégara,
Adonibaal convoqua son fils pour l’informer des décisions prises :
— Père,
ne crains-tu pas un piège de Baalyathon ?
— Je
vois que nous partageons les mêmes craintes. Je n’ai pas pu m’opposer à sa
proposition car bon nombre de sénateurs auraient été trop heureux de profiter
de l’occasion pour me mettre en minorité.
— Mais
ces généraux sont, tu ne l’ignores pas, tous plus incompétents les uns que les
autres. Hasdrubal est un efféminé.
— Comme
Juba !
— Je
ne te permets pas de dire cela. Juba est mon ami. C’est un guerrier robuste et
viril auquel me lie une tendre amitié. Il n’a rien à voir avec Hasdrubal.
— Je
n’ai pas voulu humilier ton compagnon. À ma manière, je l’aime bien et je
respecte votre
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