Hamilcar, Le lion des sables
attachement l’un pour l’autre. Il est vrai qu’Hasdrubal n’a rien
d’un militaire. Il manque de défaillir chaque fois qu’il aperçoit un glaive et
il passe ses journées en compagnie de jeunes esclaves.
— Quant
à Bostar et à Hamilcar, ils ont démontré, chacun à sa façon, leur incapacité de
commander. Le premier a essuyé un échec cuisant devant les tribus du sud et je
redoute que le premier ne conduise ses hommes comme il manœuvre ses bateaux.
Servir sous leurs ordres ne me paraît pas être un privilège. Quand je pense que
nous avons laissé crucifier notre meilleur officier, Hannibal le prudent, j’ai
le cœur empli de tristesse et d’amertume. Nous aurions bien besoin de lui
maintenant.
— Hasdrubal,
Bostar et Hamilcar ne seront pas tes chefs. Pour le moment, tu restes à la tête
de la garde du Sénat et tu ne dépendras pas d’eux. Je ne veux pas que tu sois
mêlé à cette affaire car je devine le sens de la conduite de Baalyathon.
— Que
veut-il ?
— Depuis
le premier jour de la guerre, il est partisan de la paix à tout prix avec les
Romains. Il est prêt à tout pour parvenir à ses fins même s’il doit pour cela
aller à l’encontre des intérêts de Carthage. Je le soupçonne de souhaiter une
défaite de nos troupes devant la ville. Tous nos braves marchands prendront
peur pour leurs biens et le supplieront d’aller rencontrer le consul romain. Il
jouera l’important et en profitera pour nous éliminer du Conseil des Cent
Quatre, moi et mes partisans. Voilà pourquoi il a nommé de si mauvais
généraux !
— Que
comptes-tu faire ?
— Rien
n’est perdu. Epicide ton précepteur, auquel nous avons rendu sa liberté, s’est
embarqué cet après-midi sur une trirème. Il se rend en Grèce afin de lever des
mercenaires et est parti avec des coffres remplis de pièces d’or et d’argent
pour stimuler l’enthousiasme des futures recrues.
— Es-tu
certain qu’il reviendra ? J’ai confiance en lui mais pareille fortune peut
lui faire tourner la tête.
— Je
n’ai aucune crainte. Il m’en a donné l’assurance en invoquant un certain
Alcaïos. Il m’a dit que tu comprendrais.
— Tu
as raison. Nous aurons des mercenaires sous peu.
***
Pendant
que Carthage vivait dans la peur, les Romains, tout en dévastant les grands
domaines situés dans la région du Beau Promontoire, étaient divisés sur
l’attitude à adopter. Fallait-il se contenter de destructions massives avant de
réembarquer ou bien fallait-il demeurer sur place et tenter de soulever les
populations numides et libyques contre la cité d’Elissa ? À vrai dire, le
débat entre les deux consuls était plus prosaïque. Chacun d’entre eux voulait,
pour des raisons diverses, rentrer en Italie et laisser l’autre hiverner près
d’Aspis. Marcus Atilius Regulus prétextait qu’il s’occupait lui-même de sa
propriété et qu’il n’avait pas les moyens d’engager un fermier pour labourer la
terre à sa place. Lucius Manlius Vulso, issu d’une famille plus illustre que la
gens Atilia, considérait qu’il était indispensable à Rome même alors que son
collègue, d’un rang inférieur au sien, ne l’était pas. Des émissaires furent
dépêchés auprès du Sénat dont certains membres s’amusèrent beaucoup des arguments
de Regulus, célèbre pour son austérité et sa pingrerie. Pour lui jouer un
mauvais tour, ils firent voter une loi stipulant que le Sénat et le peuple
romains prenaient à leur charge l’entretien de la propriété du consul tant
qu’il servirait la République. Lucius Manlius Vulso s’embarqua donc pour Rome,
emmenant avec lui vingt mille captifs et plusieurs milliers de têtes de bétail.
Marcus Atilius Regulus resta sur place avec quarante navires, quinze mille
fantassins et cinq cents cavaliers dont une partie s’installa à Aspis après la
chute de la ville, privée de tout ravitaillement. Avec ses autres troupes, le
général romain s’avança en direction de Carthage, semant la désolation sur son
passage.
Averti de
sa progression, le Conseil des Cent Quatre se réunit d’urgence et ordonna à ses
chefs militaires de se porter au-devant de l’envahisseur avec plusieurs
milliers de mercenaires, des centaines de cavaliers et cinquante éléphants.
Hasdrubal, Bostar et Hamilcar s’exécutèrent à contrecœur. Ils se détestaient cordialement
et chacun songeait avant tout à neutraliser ses concurrents. Arrivés à
proximité d’Adys,
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