Hamilcar, Le lion des sables
l’avaient escorté jusqu’au Capitole pour rendre grâces à Jupiter
dans son temple. Il avait fait édifier une colonne dans laquelle il avait fait
enchâsser les éperons des navires pris à l’ennemi. Ne négligeant aucun
ridicule, il avait même fait voter par le Sénat une loi lui accordant le
privilège d’être reconduit chez lui après le souper à la lumière des flambeaux
et au son des flûtes. De quoi irriter les Cornélius auxquels on reprochait
toujours la défaite de Lipara.
Alors
qu’il était de garde au Sénat, Hamilcar vit un jour Giscon se présenter devant
le bâtiment et demander à être reçu par Adonibaal. Il l’escorta jusqu’à son
père qui lui fit signe de rester durant l’entrevue.
— Je
suppose que tu arrives de Sardaigne.
— Oui
et j’ai de mauvaises nouvelles.
— Que
s’est-il passé ?
— Les
Romains ont encerclé notre flotte et l’ont détruite.
— Qu’est
devenu Hannibal le prudent ?
— Lorsque
l’attaque s’est produite, il était à terre, avec ses hommes, en train de mater
une révolte des Sardes. Quand ses soldats ont compris qu’ils étaient désormais
bloqués dans l’île et qu’ils risquaient d’être faits prisonniers, ils ont
décidé de le juger et ont constitué un tribunal.
— Qui
le présidait ?
— Moi.
— Quelle
fut la sentence ?
— La
mort par crucifixion. Elle a été exécutée immédiatement.
Hamilcar
sortit son glaive de son fourreau dans l’intention de frapper Giscon mais son
père l’en empêcha.
— Et
toi Giscon, comment as-tu fait pour gagner Carthage ? Je suppose que tu
n’es pas venu avec nos soldats qui doivent se trouver encore en Sardaigne.
— L’un
de nos navires marchands a fait escale à côté de notre camp et j’ai pu monter à
bord pour apporter au Conseil des Cent Quatre les informations dont tu as eu la
primeur.
— Je
t’en remercie. Mes collègues seront prévenus. Tu peux disposer. Je crois que tu
as bien mérité de prendre un peu de repos.
Giscon
s’éloigna, se retournant plusieurs fois à la dérobée pour vérifier que le fils
du sénateur ne tentait pas de le suivre afin de le tuer. Serrant les poings de
rage, Hamilcar était resté auprès de son père qu’il apostropha :
— Pourquoi
ne m’as-tu pas laissé tuer ce chien ?
— A
quoi cela aurait-il servi ? Il n’est pas coupable. Il a agi sur ordre de
Baalyathon. Ce dernier voulait perdre Hannibal le prudent, il a eu gain de
cause.
— Par
Melqart, je jure que je vengerai la mort de mon ami. Giscon devra répondre de
son forfait, lui ou son fils ou son petit-fils.
— Je
comprends ta colère mais elle aurait pu se manifester lorsque l’amiral Hannon a
subi le même sort.
— Je
me suis tu et je le regrette maintenant. Quelle ville sommes-nous, père, pour
mettre à mort les meilleurs de nos officiers en leur infligeant un supplice
barbare qui fait horreur à tous les gens de bien ? J’ai dit un jour à un
Romain que je me battais pour la douceur de vivre à Carthage. En fait, nous
sommes pires que des bêtes féroces. Je commence à comprendre pourquoi tu me
déconseillais d’embrasser la carrière militaire et pourquoi nous devons avoir
recours à des mercenaires. Nos citoyens savent trop ce qu’il en coûte de servir
dans notre armée.
— Hamilcar,
tu blasphèmes et je te conseille de reprendre tes esprits. Tu n’as pas à juger
ta cité, surtout pas dans les circonstances présentes.
— Pardonne-moi,
père. Je me suis emporté contre toi. Que les dieux m’en soient témoins, je jure
que, si j’ai jamais un fils, celui-ci s’appellera Hannibal bien que nul n’ait
porté ce nom dans notre famille.
Chapitre 7
Depuis son
retour à Carthage, Hamilcar enrageait de se contenter de ses tâches de basse
police bien qu’elles fussent indispensables au maintien de l’ordre dans la
cité. Son père, à plusieurs reprises, lui avait fait part des appréciations
élogieuses portées sur son compte par le Conseil des Cent Quatre. Le sachant
avare de compliments, il avait savouré cette manière indirecte de lui prouver
son affection.
Désireux
de recruter de nouveaux cavaliers numides, Hamilcar décida d’accompagner Juba
dans son futur royaume. Ils restèrent absents de Carthage pendant plus de deux
mois, passant leurs journées à chasser les lions, nombreux dans la contrée. Le
fils du sénateur en tua plusieurs avec de longs javelots spécialement fabriqués
pour lui dans les arsenaux
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