Hamilcar, Le lion des sables
longues colonnes, convergeaient
vers le maqom. Le fils d’Adonibaal interpella un passant :
— Que
se passe-t-il ? Pourquoi cette atmosphère de deuil ?
— Tu
es officier et tu n’es pas au courant du malheur qui s’abat sur nous.
— J’arrive
de Siccca où je me suis rendu pour offrir un sacrifice à Ashtart.
— Ce
seront bientôt d’autres sacrifices, plus sanglants, dont nous aurons besoin
pour nous concilier les faveurs de Baal Hammon et écarter de Carthage les
menaces qui pèsent sur elle.
— Quelles
menaces ?
— Par
quels chefs sommes-nous donc commandés ? Es-tu à ce point stupide pour ne
pas savoir que les Romains ont débarqué dans la région du Beau Promontoire.
A ces
mots, Hamilcar piqua son cheval du pied et se dirigea, avec Juba, vers le
Sénat. Il pénétra dans le bâtiment et se trouva nez à nez avec son père qui
l’entraîna dans une petite pièce.
— Tu
es enfin de retour. J’ai envoyé plusieurs messagers à Sicca mais ils ont dû
arriver alors que tu étais déjà en route. Tu aurais pourtant dû les croiser.
— Pardonne-moi.
Comme rien ne pressait, j’ai, au dernier moment, changé d’itinéraire et me suis
rendu à Utique. Je ne connaissais pas cette ville et j’ai eu envie d’y faire
halte. Bien qu’ils soient puniques comme nous, ses habitants nous méprisent.
Ils sont bouffis d’orgueil et de suffisance, et je crois qu’un jour ou l’autre
nous devrons prendre des mesures à leur encontre.
— Pour
l’heure, nous allons avoir besoin d’eux et de tous nos alliés. Comme tu le
sais, les Romains ont débarqué.
— Je
viens de l’apprendre et cela me paraît incroyable. Où est notre flotte ?
— Elle
a été détruite presque entièrement à la bataille d’Ecnomos en Sicile. Nous
avions engagé trois cent cinquante navires et cent cinquante mille hommes et
les Romains trois cent trente navires et cent quarante mille hommes.
— Qui
était notre commandant en chef ?
— Ils
étaient deux. Hannon, sous les ordres duquel tu as servi à Acragas, et l’un de
tes homonymes, Hamilcar.
— Je
les connais. Le premier est un bon marin à défaut d’être un bon soldat. Quant
au second, il a bonne réputation. Ils ont dû avoir affaire à des Romains très
expérimentés pour être battus.
— Aux
deux consuls, Marcus Atilius Regulus et Lucius Manlius Vulso.
— Marcus
Atilius Regulus ? Je l’ai rencontré jadis à Rhêgion. C’est un adversaire
farouche et déterminé de Carthage. Je comprends dès lors mieux ce qui s’est
passé.
— D’après
les récits que nous en ont faits les survivants, ce fut une bataille mémorable.
Chacun était conscient de son enjeu. Hannon s’était adressé à ses troupes pour
leur dire que, si elles étaient vaincues, non seulement la Sicile serait perdue
pour nous mais qu’il leur faudrait combattre sur notre sol pour repousser
l’envahisseur prêt à massacrer leurs familles. Ses propos furent bien
accueillis par nos hommes, remplis d’assurance et de combativité.
— Quel
plan de bataille avaient choisi Hamilcar et Hannon ?
— Un
bon plan au dire des autres amiraux. Les Romains avaient divisé leur flotte en
quatre escadres, trois formant un triangle et la quatrième l’arrière-garde. Ils
ont disposé nos navires sur une seule ligne, le dos au rivage, et ont reculé de
manière à attirer les bateaux ennemis et à les prendre en tenailles avant de
fondre sur la quatrième escadre. Dans un premier temps, la manœuvre,
impeccablement exécutée par nos rameurs, a réussi et de nombreuses trirèmes
romaines ont été éperonnées et coulées. Mais, profitant de la confusion, les
autres bateaux romains sont passés à l’attaque et, avec leurs maudits corbeaux,
ont immobilisé la plupart des navires d’Hamilcar, contraint de prendre la fuite
tout comme Hannon. Quant aux navires stationnés le long du littoral, ils
n’avaient pas l’espace suffisant pour changer de cap et gagner le large, si
bien que les Romains s’en sont emparés. Au total, trente de nos bateaux ont été
coulés et soixante-quatre autres font partie désormais de la flotte romaine
dont les pertes ont été minimes : vingt-quatre bateaux envoyés par le
fond.
— Quand
ont-ils débarqué ?
— Il
y a deux jours de cela, dans la région du Beau Promontoire. Ne perds pas un
instant. Pars pour Aspis avec quelques centaines de tes cavaliers numides et
vois ce qui se passe dans le camp
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