Hamilcar, Le lion des sables
d’engagements précédents, avaient préféré fuir plutôt que de finir écrasés
par ces animaux. Cette fois-ci, ce ne fut pas le cas. Lucius Caecilius Metellus
avait disposé en avant du fossé entourant Panormos quelques unités mobiles de
fantassins et d’archers. Des ouvriers de l’arsenal avaient, de nuit, déposé
dans le fossé plusieurs milliers de lances et de flèches. Lorsque les
Carthaginois commencèrent à avancer, les Romains criblèrent les éléphants de
flèches et de lances. Quand ils étaient à court de trait, ils reculaient
jusqu’au fossé pour s’en procurer de nouveaux et repartaient à l’attaque.
Beaucoup de ces projectiles n’atteignaient pas leur cible mais certains le
faisaient, blessant cruellement les animaux. La douleur les rendit bientôt
incontrôlables. Au lieu d’avancer, ils firent volte-face pour fuir les traits
dirigés contre eux et se retournèrent contre les troupes carthaginoises qui les
suivaient, piétinant les mercenaires et semant la panique dans leurs rangs.
Voyant cela, les Romains sortirent de la ville et, profitant du désordre,
firent prisonniers plus de treize généraux, cent vingt éléphants et des
milliers d’hommes, parmi lesquels figurait Baalyathon. Avec les soldats qui lui
restaient, Hasdrubal jugea préférable de se replier vers Lilybée d’où il envoya
une trirème avertir le Conseil des Cent Quatre de la défaite qu’il venait
d’essuyer pour avoir dû obéir aux ordres des sénateurs.
Dès que la
nouvelle fut connue à Carthage, Adonibaal convoqua une réunion du Conseil. Les
débats, qu’il redoutait être particulièrement âpres, furent à sa grande
surprise très modérés. Himilkon, l’un des plus farouches partisans de
Baalyathon, fit preuve d’une grande habileté. Demandant à parler en premier, il
s’adressa à ses collègues d’un ton contrit :
— Qu’il
me soit permis de rendre hommage à la sagesse et à la clairvoyance
d’Adonibaal ! Il était opposé à cette expédition et nous aurions mieux
fait de l’écouter.
— Sache,
déclara le père d’Hamilcar, que j’aurais préféré avoir tort et que j’aurais été
le premier à me réjouir d’une victoire d’Hasdrubal. En attendant, trêve de compliments.
Que suggères-tu de faire ?
— Rome
et Carthage sont en guerre depuis trop longtemps. Dans notre ville, la révolte
gronde. Les négociants se plaignent de la mauvaise marche de leurs affaires et,
à cause des impôts, ils ont de plus en plus de mal à réunir l’argent pour
affréter des navires. Les bateaux étrangers se détournent petit à petit de
notre port. Chez nos adversaires, la situation est la même. Ils ont été
vainqueurs sur terre mais leur flotte n’est pas à même de battre la nôtre.
Jadis, leur consul Marcus Atilius Regulus nous avait fait des propositions de
paix que nous avions eu raison de refuser. Aujourd’hui, les temps ont changé.
Peut-être pourrions-nous nous servir de lui.
— De
quelle façon ?
— Il
est notre prisonnier. C’est un homme loyal puisqu’il n’a jamais cherché à
s’évader.
— Je
le sais car il est logé dans ma demeure à Mégara où il vit dignement. Je ne
l’ai jamais entendu se plaindre. A la vérité, il évite de nous rencontrer, mon
fils et moi, comme s’il voulait ne rien nous devoir. Je doute fort que tu
puisses tirer le moindre mot de lui.
— Baalyathon…
— Quoi !
Aurais-tu de ses nouvelles ? Il est captif des Romains à ce que je sache.
— Par
des moyens dont je ne préfère pas parler, notre illustre ami a pu me faire
parvenir un message. Selon lui, il serait sage d’envoyer une ambassade aux
Romains et ceux-ci, en témoignage de leur bonne foi, ont décidé de le libérer
pour qu’il vienne expliquer devant vous leurs propositions.
— Veux-tu
que je te parle franchement, Himilkon ? Ton maître, qui se targuait jadis
d’être le chef du parti de la paix, n’a pas dû apprécier la compagnie de ses
geôliers. Fidèle à sa nature, il a dû intriguer pour obtenir sa liberté, sans
se soucier du sort réservé aux autres captifs.
— Adonibaal,
la colère et la jalousie te font perdre la raison. Baalyathon est l’un des
membres les plus estimés de cette assemblée et il est dévoué tout autant que
toi à Carthage. S’il a pris des risques pour nous faire parvenir un message,
c’est que celui-ci mérite d’être étudié. Tu lui voues une telle haine que je
juge préférable de demander au Conseil
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