Hamilcar, Le lion des sables
d’ajourner toute décision avant son
arrivée.
— Je
soutiens ta proposition même si cela peut te surprendre. Ton chef est mon
adversaire mais il est carthaginois. Avant de nous engager dans un sens ou dans
un autre, il est bon de recueillir l’avis de tous et nous attendrons son retour
pour nous prononcer.
Quelques
semaines plus tard, un navire marchand grec accosta au port marchand. Affaibli
par sa captivité, Baalyathon en descendit et se rendit au Sénat où ses amis lui
firent fête. Quand leurs effusions cessèrent, tous rejoignirent la grande salle
des séances. Adonibaal avait préféré laisser Mahrabaal présider les débats.
Celui-ci, d’un ton sévère, s’adressa à l’ancien captif :
— Es-tu
venu pour t’expliquer sur ta conduite à Panormos ?
— À
quoi bon parler de cette malheureuse affaire ? Les nouvelles dont je suis
porteur sont plus importantes.
— Rome
aurait-elle décidé de faire la paix ?
— Elle
l’envisage.
— Ce
n’est pas très clair.
— Faut-il
que les choses soient toujours dites de façon limpide ? Après ma capture,
j’ai été logé chez le consul Lucius Caecilius Metellus et nous avons longuement
discuté. C’est un homme sage et avisé. Il est très fier de sa victoire et du
triomphe qu’elle lui a valu. Treize de nos généraux et cent éléphants ont
défilé dans la ville jusqu’au temple de Jupiter capitolin. Moi-même, je
marchais en tête de ce cortège et je prie Baal Hammon de m’épargner pareille
humiliation.
— Ce
sera à toi, par tes actes, de retrouver ton honneur. Si le consul est si fier
de sa victoire, pourquoi cherche-t-il la paix ?
— Parce
qu’il veut être celui grâce auquel un accord aura été signé entre nos deux
cités. Son rêve est de s’en attribuer le mérite et de ne pas laisser cet
honneur à ses successeurs. Rome aussi est fatiguée de la guerre et, dans son
Sénat, les partisans de la paix sont nombreux. Parce qu’il veut à tout prix
conclure un traité, le consul est prêt à faire des concessions. Nous devons
saisir cette occasion.
— Que
sais-tu de leurs propositions ?
— Rien
ne m’a été dit à ce sujet. Le Sénat romain est tout simplement prêt à recevoir
nos envoyés.
— Excuse-moi
de t’interrompre, fit Adonibaal. Il y a quelque temps de cela, ton ami Himilkon
nous a parlé de Marcus Atilius Regulus. Il semblait avoir en tête un plan
auquel tu pourrais ne pas être étranger.
— Effectivement.
Je suggère d’envoyer le consul avec nos émissaires. Il est loin de sa famille
depuis des années et la joie de la revoir lui fera trouver des arguments de
poids en faveur de la paix. Elle seule, en effet, lui rendra la liberté.
— À
moins qu’il ne veuille profiter de son retour dans sa patrie pour nous fausser
compagnie. Ce serait une réaction humaine de sa part et tu peux la comprendre,
toi Baalyathon, qui as saisi le premier prétexte pour fuir ta prison.
— Tu
as raison de me faire remarquer ce détail. Je crois avoir trouvé la parade.
Avant d’être autorisé à embarquer avec nos ambassadeurs, le consul devra jurer
qu’en cas d’échec des pourparlers il reviendra se constituer prisonnier à
Carthage. Tu l’as dit toi-même, c’est un homme d’honneur, il ne pourra pas
violer un tel serment.
— Baalyathon,
tu me répugnes. Tu exiges des autres qu’ils se conduisent mieux que toi.
Néanmoins, je parlerai à Marcus Atilius Regulus et je ferai connaître sa
réponse au Conseil des Cent Quatre.
Adonibaal
regagna sa demeure de Mégara et convoqua Hamilcar pour lui expliquer les
derniers développements de la situation. Puis les deux hommes se rendirent dans
les appartements du consul qu’ils trouvèrent en train de converser avec Épicide
et Alcaïos. Les deux Grecs s’esquivèrent sur un geste d’Hamilcar qui salua son
hôte :
— Marcus
Atilius Regulus, je me réjouis de constater que tu n’as plus ton humeur morose
d’antan. J’espère que mes deux amis ne t’importunent pas trop avec leurs
bavardages.
— Rassure-toi,
je les aurais chassés si tel avait été le cas. J’avoue qu’ils me distraient en
parlant avec moi d’Homère ou d’Aristote. Ils les connaissent mieux que moi et
j’ai parfois honte de mon ignorance.
— Mon
père, ici présent, est chargé d’une mission par le Conseil des Cent Quatre et
je te laisse en tête à tête avec lui.
— Bienvenue
à toi, Adonibaal. Notre dernière rencontre remonte à plusieurs
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