Hamilcar, Le lion des sables
mois. J’apprécie
ton hospitalité et la prévenance dont tu fais preuve à mon égard. Mais je
n’oublie pas que je suis captif et que cela m’oblige à la plus grande des
réserves. Sache toutefois que je n’ai pas voulu t’offenser en demeurant confiné
dans ma solitude. C’est le châtiment que je mérite pour ma défaite et cela seul
explique que je n’ai pas déféré à tes multiples invitations.
— C’est
bien ainsi que je l’ai compris et je ne t’en veux nullement. Si tu le
souhaites, parlons maintenant de choses plus sérieuses. Ta ville nous a fait
savoir qu’elle n’était pas hostile à l’ouverture de pourparlers de paix. Le
Conseil des Cent Quatre n’y est pas opposé et a décidé d’envoyer des
émissaires, à une seule condition.
— Laquelle ?
— Tu
devras faire partie de l’ambassade et promettre, en cas d’échec des
discussions, de revenir te constituer prisonnier à Carthage.
— C’est
une proposition qui n’a rien de contraire à l’honneur.
— Marcus
Atilius, permets-moi de te parler d’homme à homme. Je te déconseille de
l’accepter. Je connais trop bien les membres du Conseil des Cent Quatre. Si tu
ne parvenais pas à fléchir les tiens, ils risquent fort de te faire payer très
cher ce refus. Crois-moi, tu es plus en sécurité ici. Tu peux parfaitement
décliner cette proposition et cela ne nous empêchera pas d’envoyer à Rome nos
ambassadeurs. Ceux-ci peuvent négocier un traité qui te rendra ta liberté et,
s’ils n’y parviennent pas, tu n’en subiras pas les conséquences.
— Adonibaal,
je te remercie de ta franchise. Elle t’honore et je te sais gré de vouloir
protéger ma malheureuse existence. Celle-ci n’a plus aucune importance à mes
yeux depuis ma capture. J’accepte donc ta proposition.
— Il
en sera fait comme tu l’entends. Mon fils Hamilcar t’accompagnera afin de
veiller sur toi.
— Je
ne saurais avoir meilleur compagnon. C’est un être pur et loyal dans lequel
j’ai entièrement confiance.
Quelques
jours plus tard, un petit groupe quitta à la nuit Mégara. Il se composait
d’Hamilcar, de Juba, d’Epicide et du consul romain. Tous gagnèrent le port
militaire où ils s’embarquèrent à bord d’une quinquérème où avaient déjà pris
place Mahrabaal et deux autres sénateurs, désignés comme plénipotentiaires par
le Conseil des Cent Quatre. Au petit matin, le bateau cingla vers la haute mer
et prit la direction d’Ostie.
Deux mois
plus tard, il était de retour. Dès son arrivée, ses occupants, l’air sombre,
gagnèrent le bâtiment du Sénat. Dans la ville, le bruit se répandit qu’une
séance extraordinaire du Conseil des Cent Quatre était sur le point d’avoir
lieu. Les partisans de Baalyathon faisaient déjà circuler la rumeur que la paix
avait été signée avec Rome et qu’on devait ce succès à la sagesse de leur
maître. Lorsqu’il traversa le maqom, une foule nombreuse et joyeuse l’acclama.
Lui rendait ses saluts à la foule et devait sans doute songer aux mesures qu’il
prendrait lorsque ses pairs lui confieraient, pour le remercier, la conduite
des affaires publiques. Il pourrait enfin se débarrasser de ces Barca dont
l’impudence lui insupportait. Il fut bientôt rappelé à la triste réalité
lorsqu’il pénétra dans la salle du Conseil. Dans un coin, entouré de gardes, se
tenait le consul Marcus Atilius Regulus. Mahrabaal était face aux autres
sénateurs et interpella le nouvel arrivant :
— Nous
n’attendions plus que toi, Baalyathon, pour ouvrir la séance.
— J’ai
hâte d’entendre ton rapport car, en ville, on ne parle que de la paix signée
avec Rome. Or j’aperçois là son consul. C’est à ne plus rien y comprendre.
— Illustres
sénateurs, voici ce que j’ai à vous dire. Conformément à vos instructions, nous
nous sommes embarqués pour Ostie. Notre quinquérème a fait le voyage sans
encombre. Au large de la Sicile, nous avons croisé quelques navires romains.
Quand ils ont pris connaissance de notre mission, que Marcus Atilius Regulus
leur confirma, ils nous ont escortés jusqu’à Ostie, nous permettant de nous
ravitailler en eau et en vivres dans plusieurs ports de Campanie.
— As-tu
été reçu par le Sénat romain, questionna Baalyathon ?
— Tu
es bien trop pressé. À Ostie, le consul Lucius Caecilus Metellus était là pour
nous accueillir et il est monté à bord afin de saluer son collègue. Celui-ci
lui a déclaré
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