Hannibal, Sous les remparts de Rome
argent
dans des statues de bronze creuses disposées dans son jardin. Puis il confia au
temple d’Artémis, le principal sanctuaire local, de lourds vases de terre
recouverts en surface d’or et d’argent et lestés en fait de plomb. Il savait
que ses hôtes veilleraient scrupuleusement sur ces réceptacles pensant qu’ils
renfermaient toutes ses richesses et qu’ils refuseraient, sous les prétextes
les plus divers, de les lui rendre.
Des mois
durant, il se morfondit dans un ennui profond, entouré de quelques fidèles. Il
avait refusé, en prétextant sa vieillesse, la compagnie féminine que les
pirates lui proposaient. Ses sens étaient endormis depuis longtemps et il ne
voulait pas prendre le risque d’avoir à demeure une compagne qui l’espionnerait
et tenterait de percer ses secrets. Son bateau était parti en direction du
Pont-Euxin et avait déposé sur ses côtes un messager ayant pour mission de se
rendre à la cour du roi d’Arménie, Artaxias, afin de l’informer qu’Hannibal
était prêt à se mettre à son service. Le monarque demanda quelques jours de
réflexion avant de faire connaître sa décision. En théorie, il était l’allié de
Rome avec laquelle il avait signé un traité d’amitié et de coopération. Mais
l’ambassadeur du Sénat, épouvanté par la rudesse du climat et l’inconfort des
habitations, s’était hâté de regagner les bords du Tibre et nul commerçant de
sa nation ne s’était aventuré dans cette contrée lointaine. De plus, Artaxias
redoutait les visées d’Antiochos sur son royaume. Avoir pour chef de ses armées
un homme tel que le vainqueur de Cannae suffirait à dissuader son voisin de toute
velléité agressive. Aussi, après un délai raisonnable, il convoqua l’émissaire
envoyé par le chef punique pour lui annoncer que ce dernier était le bienvenu à
sa Cour. De retour en Crète, le messager fut accueilli comme un sauveur. Des
espions avaient en effet appris à Hannibal qu’une flotte romaine cinglait vers
l’île afin de délivrer les nombreux prisonniers romains retenus captifs par les
pirates. Il quitta donc la Crète de nuit, en emportant avec lui les fameuses
statues creuses. Ses hôtes coururent alors au sanctuaire d’Artémis afin de
faire main basse sur les fameux vases qu’ils firent briser à coups de masse.
Quand ils découvrirent la supercherie, le Punique était déjà loin. Par contre,
les Romains étaient en vue des côtes de l’île et délivrèrent leurs
ressortissants dont les geôliers furent condamnés à ramer sur les navires de
l’escadre ennemie.
***
Arrivé en
Arménie, Hannibal comprit rapidement que le souverain avait renoncé à ses
projets de guerre contre son homologue séleucide. Il préférait consacrer les
revenus de ses États à la construction d’une nouvelle capitale, la sienne lui
apparaissant par trop misérable et indigne de son rang. Près de quarante ans
après avoir achevé l’édification de Carthagène, tombée aujourd’hui aux mains
des Romains, le chef punique redevint architecte. Il traça minutieusement les
plans de la cité, située sur les bords de l’Araxe, à laquelle il donna le nom
d’Artaxata. Quand les travaux furent terminés, il envoya un messager prévenir
le monarque mais quitta sur-le-champ son royaume. Il avait appris que son hôte,
ayant obtenu ce qu’il désirait, avait décidé de le faire arrêter et de le
livrer aux Romains. Le fugitif, accompagné de quelques serviteurs, prit la
route de la Bithynie où Prusias l’accueillit chaleureusement. Depuis peu, ce
dernier s’était brouillé avec Eumène de Pergame, son voisin et ex-allié. Les
deux hommes se disputaient le contrôle de la Mysie [89] , autrefois
propriété de Pergame mais occupée depuis quelques années par le Bithynien. Le
traité de paix ayant mis fin aux hostilités entre Rome et Antiochos stipulait
expressément la restitution de la Phrygie à son ancien maître.
Prusias
s’y était refusé pour des raisons complexes. Cette terre aride n’était pas d’un
grand rapport et il devait entretenir à grands frais des garnisons pour mater
des populations rebelles. Mais la céder eût été reconnaître la prééminence
d’Eumène sur les autres roitelets de la région et cela, il ne pouvait le
supporter. Aussi décida-t-il de déclarer la guerre à Pergame. La chose militaire
n’étant pas de son goût, il avait besoin d’un général capable de commander ses
troupes, composées pour
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