Hannibal, Sous les remparts de Rome
l’essentiel de mercenaires et de vétérans des armées
séleucides licenciés par Antiochos. Hannibal fut donc accueilli avec tous les
honneurs et, enfin rétabli dans la fonction qui avait toujours été la sienne,
put donner libre cours à ses talents de stratège sur terre comme sur mer.
Sa tâche
n’avait rien de facile. Pergame pouvait mobiliser deux fois plus d’hommes que
la Bithynie et sa flotte s’en fut ravager les côtes du royaume de Prusias. Avec
une trentaine de navires, le chef punique se porta à la rencontre de
l’adversaire qui alignait plus de cinquante quinquérèmes et trirèmes.
Numériquement, il était en position d’infériorité et n’importe quel amiral
aurait pris le parti d’esquiver le combat. Le fils d’Hamilcar usa, lui, d’un
stratagème habile. Sous prétexte de négocier un échange de prisonniers de haut
rang, il envoya un émissaire porter un message à Eumène. En observant de loin
la route empruntée par la barque de son délégué, il put ainsi repérer le navire
à bord duquel se trouvait le souverain ennemi. C’est vers celui-ci que, la
négociation ayant échoué, il dirigea la majeure partie de ses bateaux. A bord
de ses navires, il avait installé des catapultes lançant des vases remplis de
serpents venimeux qui semèrent la panique parmi les équipages. A la fin de la
journée, la moitié de la flotte de Pergame avait sombré et l’autre moitié
regagna sa base, dans l’incapacité de ravager, comme prévu, les ports bithyniens
laissés sans protection.
Après ce
premier succès, Hannibal mena plusieurs campagnes en Mysie dont il parvint à
soumettre les populations. Pour affirmer son autorité sur cette contrée,
Prusias décida d’y bâtir une nouvelle capitale remplaçant la précédente,
Nicomède. L’idée lui en était venue après avoir rendu visite à Axartias, trop
heureux de montrer à son voisin sa magnifique cité d’Artaxata, avec ses riches
temples, ses somptueux théâtres et ses imposants bâtiments publics édifiés par
Hannibal. De retour dans son royaume, Prusias convoqua celui-ci :
— Je
te savais excellent militaire. J’ignorais que tu pouvais faire surgir des
villes de terre.
— J’assiège
des cités mais j’en bâtis aussi car il faut que la vie l’emporte sur la mort.
— Ce
que tu as fait pour le roi d’Arménie, serais-tu prêt à le faire pour moi ?
— Si
tu me donnes les hommes et les moyens nécessaires, j’accomplirai ce que tu me
demanderas. Tu m’as accordé ta confiance et ta protection, il me sera donc
agréable de te prouver ma reconnaissance.
— Que
ma future capitale surpasse en beauté toutes tes précédentes
réalisations !
— Il
en sera fait selon tes ordres.
— Pardonne
mon audace mais une question brûle mes lèvres : ne considères-tu pas cette
tâche comme dégradante ?
— Je
puis te l’avouer, au début, je l’ai pensé. J’ai vite compris que c’était là de
l’orgueil mal placé. Il m’arrive même de caresser un projet grandiose :
construire une ville qui porterait mon nom et qui servirait de refuge à mes
partisans désireux de quitter Carthage pour perpétuer, à l’abri de toute
menace, notre culture et notre mode de vie.
— Tu
me semblés bien pessimiste.
— Non,
je suis réaliste. Je crains fort que les jours de la cité d’Elissa ne soient
comptés. Cela prendra peut-être des années mais tout finira par s’accomplir.
Rome est comme un rocher qui dévale du haut d’une montagne et qui écrase tout
sur son passage. Elle ne peut supporter l’existence de rivales potentielles et
veut étendre sa domination sur le monde entier. Elle a déjà pris dans ses
filets la Grèce, ce sera bientôt le tour de l’Afrique et de l’Asie, puis de
l’Egypte.
— Je
partage ton appréhension mais tous ces peuples pourraient s’unir pour terrasser
cette hydre monstrueuse.
— Chacun
d’entre eux ne pense qu’à une chose, sauvegarder sa propre existence, et se
moque bien de ce qui arrive à ses voisins. Toi-même, je le sais, tu as, jadis,
signé un traité d’amitié avec Rome et dénoncé celui qui te liait à Antiochos.
Après la défaite de ce dernier, tu as pris tes distances avec tes nouveaux amis
parce qu’ils te préféraient Eumène de Pergame. Aujourd’hui, tu crains pour
l’avenir de ton royaume et de ta dynastie. Pourtant, tu es trop orgueilleux
pour t’allier avec tes voisins afin de contrecarrer les menées du
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