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Hannibal, Sous les remparts de Rome

Hannibal, Sous les remparts de Rome

Titel: Hannibal, Sous les remparts de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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capitale de l’Ibérie barcide.
Après avoir parcouru quelques stades, la colonne s’était scindée en trois
groupes et avait pris la direction de l’Ebre qu’ils atteignirent au terme de
dix jours de marche. Chaque contingent soulevait sur son passage un véritable
nuage de poussière qui avertissait les habitants des environs de sa
progression. Les plus timorés faisaient immédiatement partir, dans les forêts
et dans les montagnes, leurs familles et leur bétail, par crainte des pillages
et des exactions des hommes de troupe. La nouvelle se répandit bien vite que
ces prétendus soudards s’abstenaient curieusement de toute rapine. Sous la
surveillance tatillonne de leurs officiers et des agents comptables, ils
payaient scrupuleusement les vivres réquisitionnés. Réputés jadis pour leur
indiscipline et leur passion effrénée du pillage, les Numides n’étaient pas les
moins empressés à s’acquitter sans rechigner de leur écot. L’on eut juste à
déplorer une seule infraction aux ordres donnés : le viol d’une
montagnarde par un jeune aristocrate carthaginois pris de boisson. Il fut
aussitôt condamné à périr sur la croix en présence de ses soldats, et les
supplications de ses compagnons ne parvinrent pas à émouvoir Hannibal. Il était
décidé à faire un exemple afin d’empêcher les têtes brûlées de l’expédition
d’enfreindre les consignes désormais répétées quotidiennement par des hérauts.
    Le passage
de l’Ebre se fit sans difficulté. Les éclaireurs ibères avaient repéré trois
gués que traversèrent, comme s’ils marchaient à pied sec, fantassins, cavaliers
et éléphants lourdement caparaçonnés. À partir de ce moment, laissant derrière
elles les ruines de Sagonte, les trois colonnes pénétraient en territoire
hostile. Les différentes tribus et peuplades locales hésitaient sur la conduite
à tenir. Les unes, auxquelles avaient rendu visite des émissaires des Grecs
massaliotes, rêvaient de prendre les armes et d’attaquer les détachements
isolés de l’arrière-garde. Les autres, terrorisées par le souvenir des
terribles malheurs des Sagontins, n’avaient qu’un seul souci : faire leur
soumission et offrir au jeune général de somptueux cadeaux pour s’attirer ses
faveurs. Bien leur en prit car les bandes rebelles qui s’abattirent sur les
traînards carthaginois furent rattrapées et massacrées sans pitié par la
cavalerie numide. Quant à leurs villages, ils furent incendiés et leurs
habitants envoyés sur le marché aux esclaves de Carthagène où leur nombre
provoqua, au grand désespoir des marchands, une baisse des cours de la
main-d’œuvre servile. Ces modestes escarmouches attristèrent les esprits des
jeunes officiers de l’état-major, convaincus qu’ils ne se heurteraient à aucune
résistance de taille avant leur arrivée en Italie. Certains, ne dissimulant pas
leur dépit, pestaient contre la prudence exagérée de leur chef et contre ce simulacre
de campagne qui ne leur vaudrait aucune distinction.
    Ayant eu
vent de leurs commentaires acides, Hannibal réunit les mécontents et, sans
préambule inutile, les apostropha durement :
    — Voilà
donc nos jeunes gens qui regrettent de ne pouvoir en découdre avec nos ennemis
et me reprochent de les priver de ne pas verser un sang dont ils sont assoiffés
comme s’il s’agissait d’un nectar divin. Nous sommes à peine au début d’un long
périple et ils voudraient que chaque stade franchi le soit au prix de batailles
sans pitié et d’affrontements dignes des combats menés jadis par Alexandre ou
par Pyrrhus. S’il ne tenait qu’à moi, je renverrais volontiers ces écervelés à
Carthagène ou à Carthage car ils sont plus dangereux pour la fortune de nos
armées qu’une nuée d’espions stipendiés par Rome. Je ne le ferai pas car ils
ont l’excuse de leur jeunesse et leur stupide impétuosité me rappelle les
égarements d’un jeune homme, il y a à peine quelques années de cela, furieux de
devoir consacrer ses jours et ses nuits à la construction d’une ville alors
qu’il rêvait de trancher les têtes et les bras de ses ennemis. Ce jeune chiot
stupide, vous l’avez compris, c’était moi et j’aurai donc envers vous la
patience et l’indulgence dont fit preuve alors à mon égard Hasdrubal, mon
beau-frère. Sachez-le, un bon chef militaire est toujours économe de la vie de
ses hommes et certaines victoires ne se remportent pas nécessairement sur

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