Hannibal, Sous les remparts de Rome
légions et Hasdrubal fit mettre le feu aux branchages ornant leurs
têtes. Croyant que les Carthaginois tentaient de franchir les hauteurs, les
Romains grimpèrent à leur rencontre, laissant sans surveillance le défilé dans
lequel l’armée punique s’engagea en forçant l’allure. Le temps pour l’ennemi de
se rendre compte du subterfuge et de redescendre en direction de la vallée, les
troupes du chef borgne étaient hors d’atteinte et gagnèrent la bourgade de
Gereonium [31] où elles repoussèrent, certes au prix de lourdes pertes, l’assaut des soldats
de Marcus Minucius Rufus.
Ce dernier
avait décidé cette offensive car il souhaitait se voir octroyer les mêmes
pouvoirs que ceux dont jouissait Quintus Fabius Maximus. Son titre de maître de
la cavalerie ne lui suffisait pas et il poussa ses partisans à Rome à réclamer
une modification de son statut. Ses adversaires crurent neutraliser ses
ambitions en faisant élire comme consul suffect, en remplacement du défunt
Caïus Flaminius Nepos, Marcus Atilius Regulus, l’un des fils du consul fait
prisonnier sous les murs de Carthage. Cela ne suffit pas à calmer le
mécontentement de la plèbe qui fit ratifier par un plébiscite la nomination
comme dictateur en second de Marcus Minucius Rufus.
Dès que
celui-ci apprit cette nouvelle, il n’eut de cesse de chercher l’affrontement
avec Hannibal, installant son camp à proximité de celui du chef punique. Ce
dernier comprit promptement que son adversaire, brûlant d’en découdre avec lui,
tomberait dans le premier piège qu’on lui tendrait. Ayant repéré une colline
située à mi-chemin entre ses positions et celles de l’ancien maître de la
cavalerie, il la fit occuper par quelques détachements numides placés sous les
ordres de son frère Magon et suffisamment peu nombreux pour que Marcus Minucius
Rufus soit persuadé qu’il les mettrait aisément en déroute. C’était bien vu car
le général romain sortit à la hâte de son camp pour se lancer à l’assaut de la
colline. Or Hannibal, durant la nuit précédant la bataille, avait dissimulé
dans des cavernes et des creux aux alentours cinq mille fantassins et cinq
cents cavaliers qui laissèrent l’ennemi se déployer dans la vallée et le
prirent à revers lorsqu’il commença à escalader la hauteur occupée par les
Numides. Le général romain ne dut son salut qu’à l’arrivée rapide des troupes
de Quintus Fabius Maximus qui lui permirent de pouvoir battre en retraite tout
en laissant sur le terrain plusieurs centaines d’hommes. Penaud, Marcus
Minucius Rufus fit amende honorable et envoya au Sénat un messager informant
les Pères conscrits qu’il renonçait à exercer ses fonctions de dictateur, se
jugeant indigne d’elles.
Cette sage
résolution n’eut malheureusement aucune influence sur l’élection des deux
consuls pour l’année suivante. La plèbe vota massivement pour Caïus Térentius
Varron, l’un des adversaires les plus résolus de Quintus Fabius Maximus, et les
patriciens eurent bien du mal à faire élire comme second consul l’un des leurs,
Lucius Aemilius Paullus, réputé pour sa prudence et sa modération. Dans la cité
de Romulus, durement éprouvée par les défaites des deux années précédentes, on
se préparait fiévreusement à la revanche. Huit nouvelles légions avaient été
levées et leurs effectifs avaient été renforcés, passant de quatre à cinq mille
fantassins et de trois cents à cinq cents cavaliers, les alliés italiens
fournissant des contingents identiques d’infanterie et le double de cavaliers.
Quatre-vingt-dix mille hommes furent mobilisés alors qu’Hannibal ne disposait
que de la moitié. Cette extraordinaire ferveur patriotique était le fait du
petit peuple, partisan de la guerre à outrance et convaincu de la duplicité des
sénateurs qu’il accusait d’avoir invité le chef punique à ravager l’Italie pour
mater les aspirations de la plèbe à plus de liberté et de pouvoir. Lors de la
campagne électorale, Caïus Térentius Varron n’avait pas été le dernier à
colporter cette rumeur, ce qui ne simplifiait pas ses relations avec son
collègue patricien, Lucius Aemilius Paullus. Comme les deux consuls avaient
rassemblé toutes les légions au sein d’une même armée, ils durent se plier à
une singularité juridique lourde de conséquences. Alors qu’en temps de paix
chacun d’entre eux commandait à tour de rôle pendant un mois l’ensemble
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