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Hannibal, Sous les remparts de Rome

Hannibal, Sous les remparts de Rome

Titel: Hannibal, Sous les remparts de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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derniers
s’exposeraient aux représailles des Romains, bien résolus à leur faire payer
des années de trahison. Il réunit leurs chefs et les adjura de s’embarquer avec
lui mais la plupart déclinèrent cette offre. Ils étaient trop attachés à leurs
terroirs pour les abandonner et s’installer dans la cité d’Elissa où ils se
sentiraient perpétuellement étrangers.
    Parmi les
opposants les plus résolus au départ, figurait Silénos qui, depuis tant
d’années, écrivait la chronique des exploits d’Hannibal. Il était originaire de
Tarentum et rêvait de finir ses jours dans sa patrie. Il savait que les
Romains, friands de détails sur le plus farouche de leurs ennemis,
l’épargneraient à condition qu’il mît ses talents à leur service. D’un ton
cassant, le dernier des frères Barca l’apostropha :
    — Tu
m’as suivi depuis Carthagène et je t’ai accordé ma confiance sur la
recommandation de mon ancien précepteur, Sosylos. Je ne puis comprendre les
raisons qui te poussent à vouloir m’abandonner. Il me reste encore bien des
batailles à mener et je souhaite que tu en écrives le récit. Celui que tu as
composé et qui est gravé sur l’autel de bronze de ce sanctuaire est loin d’être
complet.
    — Hannibal,
tu es l’un des plus grands généraux que ce monde ait connus et je t’admire pour
cela. J’ai été fier de raconter tes victoires et c’est précisément pourquoi je
n’aurai pas la force de narrer tes défaites.
    — Oses-tu
dire que les Romains remporteront cette guerre ?
    — Je
le crains fort et je le déplore tout autant pour Carthage que pour les miens.
Ils sont arrogants et impitoyables, et mes concitoyens souffrent déjà sous leur
joug.
    — As-tu
réellement envie de partager leur sort ?
    — Non
mais je suis las de mener une vie d’errant.
    — C’est
aussi mon cas.
    — Oui
mais tu semblés apprécier cette situation. À vrai dire, je crois que tu serais
incapable de vivre à Carthage. Tu aimes une certaine idée de cette cité mais tu
hais ce qu’elle est dans la réalité.
    — Je
ne te permets pas de me parler de la sorte !
    — Tu
n’aimes pas qu’on te dise la vérité.
    — J’ai
trop d’estime pour toi pour te punir comme tu devrais l’être. Seul le souvenir
de Sosylos m’empêche de te livrer à mes gardes pour qu’ils t’infligent le
châtiment que nous réservons aux traîtres. Fais en sorte d’avoir quitté Crotone
dès demain car, alors, je ne pourrais plus rien pour toi.
    À l’aube,
Silénos était déjà loin. Il avait compris que le fils d’Hamilcar s’apprêtait à châtier
cruellement ceux qui refusaient de le suivre jusqu’à Carthage. Comme
d’habitude, Hannibal eut recours à la ruse. Faisant mine de comprendre les
arguments de ses alliés, il convia leurs principaux capitaines à un banquet
d’adieux. Quand ils furent ivres, il ordonna à ses gardes de les placer en état
d’arrestation et de les faire conduire à bord de son navire.
    Dès que la
nouvelle se répandit dans le camp, leurs hommes, furieux de cette traîtrise, se
réfugièrent dans le sanctuaire d’Héra et envoyèrent quelques émissaires appeler
à la rescousse les unités romaines les plus proches. Ce geste signa leur perte.
Hannibal était désormais convaincu que ses anciens alliés n’hésiteraient pas,
pour obtenir leur pardon, à proposer aux consuls en exercice de faire partie
des renforts qui seraient envoyés à Publius Cornélius Scipion. Aussi donna-t-il
l’ordre de prendre d’assaut le sanctuaire et de massacrer tous ceux qui s’y
trouvaient.
    Deux jours
après cette abominable tuerie, Hannibal monta à bord de sa quinquérème,
accompagné par le fidèle Maharbal. En regardant s’éloigner les côtes du
Bruttium, il ne put s’empêcher d’éclater en sanglots. Quand il eut repris ses
esprits, il confia au chef de sa cavalerie :
    — J’aurais
dû suivre tes conseils après la bataille de Cannae et marcher sur Rome d’une
traite. Nous aurions dîné au Capitole comme tu me l’avais proposé, servis par
des sénateurs réduits en esclavage. J’ai préféré céder aux supplications de mes
soldats qui aspiraient à prendre enfin un peu de repos. Je les ai conduits à
Capua. Moi-même, je me suis laissé prendre aux belles paroles d’Hélène dont
j’étais tombé éperdument amoureux. Jamais Rome n’avait été aussi près de sa
perte et elle a dû son salut non à ses généraux mais à ma sottise.

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