Hannibal, Sous les remparts de Rome
à Genua [61] où les Ligures
Ingauni se rangèrent sous ses ordres, rejoints bientôt par des milliers de
guerriers gaulois impatients de secouer le joug romain.
À la tête
d’environ vingt mille fantassins et cinq mille cavaliers, il ravagea les
colonies récemment édifiées par la cité de Romulus et contraignit ses ennemis à
se terrer à l’abri de quelques places fortes. Sur le Forum, le récit de ses
exploits suscitait des commentaires apeurés et la plèbe ne tarda pas à murmurer
contre l’inaction des magistrats. Le Sénat, pour calmer les esprits, dut se
résoudre à prendre des mesures spectaculaires. Il ordonna à Marcus Livius
Salinator, le vainqueur du Métaure, de rejoindre à Arminium, avec deux légions,
le préteur Spurius Lutatius cependant que Marcus Valérius Laevinus gagnait
l’Étrurie avec un effectif identique.
Magon
comprit que l’adversaire verrouillait de la sorte les routes d’accès à l’Italie
centrale afin de l’empêcher de faire sa jonction avec son frère. Il résolut
d’attirer les troupes ennemies au nord et de les affronter en terrain
découvert. S’il parvenait à les vaincre, aucun obstacle ne se dresserait plus
sur son chemin. S’il était défait, il pourrait se rembarquer à bord de sa
flotte et gagner Carthage d’où il passerait dans le Bruttium.
La
bataille eut lieu à l’été près de Médiolanum [62] sous une canicule
torride. Les légions romaines étaient commandées par Publius Quinctilius Varus
et Marcus Cornélius Céthégus. Dès le début de l’engagement, elles plièrent sous
les coups de boutoir de l’infanterie carthaginoise, à tel point que Varus
convoqua d’urgence son collègue pour lui dire :
— Les
dieux semblent nous avoir abandonnés. Certes, nous avons la supériorité
numérique mais l’ennemi, surpris lui-même par la vigueur de la résistance qu’il
nous oppose, a maintenant l’avantage et le conservera tant que nous n’aurons
pas désorganisé ses rangs. La seule solution pour y parvenir est de faire
donner toute notre cavalerie dont je prends sur-le-champ le commandement. C’est
sur moi que reposera la responsabilité de la défaite mais sache que tu
partageras ma gloire si nous parvenons à briser notre adversaire.
À la tête
de plusieurs centaines d’hommes, Publius Quinctilius Varus chargea. Le champ de
bataille fut bientôt enveloppé d’un épais nuage de poussière, empêchant
Céthégus de distinguer ce qui se passait. Bientôt, l’on vit revenir quelques
escouades de cavaliers en piteux état. Ils s’étaient heurtés au véritable mur
de fer constitué par les éléphants dont les barrissements stridents avaient
fait se cabrer les montures de leurs compagnons.
À peine
avaient-ils terminé leur rapport qu’un vacarme assourdissant se fît entendre.
Les éléphants lourdement caparaçonnés arrivaient à hauteur de l’infanterie
romaine et piétinaient allègrement des dizaines d’hommes hurlant de terreur.
Céthégus
eut la présence d’esprit d’ordonner à deux cohortes de faire mouvement sur la
droite et sur la gauche. Les légionnaires criblèrent alors de leurs javelots les
pachydermes qui cessèrent d’obéir à leurs cornacs, firent demi-tour et
chargèrent les soldats carthaginois et gaulois qui s’avançaient derrière eux.
Bientôt, on dut les abattre pour éviter que les animaux ne fissent plus de
ravages dans leurs propres rangs que dans ceux de l’ennemi. Magon qui, depuis
le début de la matinée, se tenait en tête de ses troupes tenta de les lancer
dans un ultime assaut. Un Romain le repéra et, rampant sur le sol, au milieu
des cadavres et des blessés, s’approcha assez près du général punique pour lui
transpercer la cuisse avec un javelot. L’arme s’enfonça assez profondément pour
blesser également le cheval qui, de douleur, partit au galop en direction de
l’arrière. Cette fuite involontaire de leur chef provoqua la panique chez les
Carthaginois et les Gaulois qui refluèrent en désordre vers leur camp. Un orage
providentiel empêcha les Romains de les poursuivre et de les anéantir.
Magon,
dont la monture avait été arrêtée par l’un de ses officiers, mit à profit ce
répit pour regrouper ses hommes et prendre nuitamment la direction de Genua. Il
gisait sur une civière improvisée dont le moindre choc le faisait hurler de
douleur. Toutefois, jusqu’au bout, il continua de donner ses ordres, faisant
hâter le pas à ses soldats et les enjoignant de
Weitere Kostenlose Bücher