Hannibal, Sous les remparts de Rome
Aujourd’hui,
Scipion se trouve aux portes de Carthage et je jure par Melqart qu’il
déchantera vite. Je saurai le priver au dernier moment de la victoire dont il
rêve. Je le ferai prisonnier et il m’accompagnera quand je débarquerai à Ostie
pour porter le coup mortel à la cité de Romulus. Et, cette fois, Maharbal, tu
chevaucheras à mes côtés et aux côtés de mon frère Magon. C’est à toi que
reviendra l’honneur de franchir le premier l’enceinte de cette ville maudite
avant que je ne la fasse dévorer par les flammes.
— Puisse
la bienfaisante Tanit exaucer tes prières ! fit son interlocuteur avant de
gagner, l’air songeur et dubitatif, l’avant du navire.
Chapitre 6
Le
débarquement de Publius Cornélius Scipion en Afrique était la conséquence des
intenses efforts diplomatiques qu’il avait déployés depuis des mois. Tout avait
commencé peu après la chute de Gadès entre ses mains. À sa grande surprise, le
chef romain avait constaté que, si les généraux puniques avaient quitté les
lieux, le jeune prince numide Masinissa était demeuré sur place avec ses
cavaliers, s’abstenant de tout pillage et de toute attaque contre les nouveaux
maîtres du pays. Intrigué par ce comportement, il l’invita à lui rendre visite,
lui faisant remettre un sauf-conduit par son neveu qui resterait en otage dans
le camp des anciens alliés de Carthage jusqu’au retour de leur commandant.
Un matin,
les légionnaires signalèrent l’arrivée, près des remparts, d’une petite
escouade de cavaliers à la tête desquels se trouvait un jeune homme au teint
hâlé par le soleil. Il fit halte, ordonna à ses hommes de rebrousser chemin et
se présenta seul aux avant-postes. S’adressant à un centurion, il lui remit le
document délivré par Scipion et portant le sceau de celui-ci. Le sous-officier
consulta attentivement le sauf-conduit ; Ne parlant ni le grec ni le
punique, il fit signe au chef numide de le suivre et le conduisit jusqu’à la
citadelle où son hôte l’attendait.
— Salut
à toi, Masinissa, dit-il, dans la langue d’Homère, d’un ton calme et réfléchi.
Il me tardait de faire ta connaissance.
— Moi
aussi, encore que j’avoue avoir été surpris par ta requête.
— Pourquoi ?
— Je
t’ai toujours combattu et, avant toi, ton père et ton oncle ont été mes
ennemis. Je suis en partie responsable de leur mort puisque mes troupes les ont
contraints à se replier dans des sites indéfendables où les Carthaginois n’ont
pas eu de mal à les massacrer. Je pensais que, pour cette raison, tu me vouais
une haine farouche et, jusqu’à l’arrivée de ton neveu, j’ai redouté que ton
invitation ne dissimule un traquenard.
— Les
miens ont trouvé une mort glorieuse au service de Rome et leurs noms sont
évoqués avec respect par mes concitoyens. Ils ne pouvaient souhaiter meilleure
récompense. Je vénère leur mémoire mais je n’ai nul motif d’éprouver de la
rancune à ton égard et encore moins une volonté de vengeance. Tu es un soldat
et tu as fait ton devoir de militaire en poursuivant mes malheureux parents.
Qui oserait te le reprocher ? Pas moi en tous les cas. Je constate
simplement que tes amis ne t’en ont guère été reconnaissants.
— Qu’entends-tu
par là ?
— On
m’a rapporté qu’Hasdrubal, fils de Giscon, t’avait insulté.
— Tu
as de bons informateurs.
— Je
les paie assez cher pour cela. En laissant l’un de ses chefs médire de toi,
Carthage a fait preuve d’une noire ingratitude qui ne me surprend guère de la
part de ces arrogants Puniques.
— Hasdrubal
est un ambitieux, dévoré par la haine qu’il porte aux Barca. Mon frère aîné,
Juba, fut l’ami d’Hamilcar qui l’a toujours traité avec respect. Je suis venu
ici sur cette terre étrangère en compagnie d’Hannibal et de ses deux frères qui
m’ont honoré de leur amitié.
— Je
comprends tes sentiments. Ils sont assurément fort nobles et dignes de grands
éloges. Regarde toutefois la réalité en face. Hasdrubal Barca est mort et les
Carthaginois sont partis soit pour l’Afrique, soit pour les Baléares en
t’abandonnant, toi et tes hommes, sur ces rivages hostiles.
— Cette
fois, tes espions t’ont mal renseigné. Je suis resté ici de mon plein gré pour
une simple raison.
— Je
la devine.
— Quelle
est-elle selon toi ?
— Ton
père, Gaïa, se fait vieux et, pardonne-moi ma franchise, il ne tardera pas à
mourir. Ton
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