Hasdrubal, les bûchers de Mégara
indigents. Vous aurez deux jours pour quitter
vos demeures avec vos familles. Gardez-vous bien de protester car cette
décision est à mes yeux encore bien trop clémente. J’aurais pu vous faire
condamner à mort mais j’y ai renoncé car certains de vos ancêtres ont servi
vaillamment notre ville et c’est à leurs mérites insignes que vous devez de
pouvoir rester en vie. Illustres membres du grand Conseil, approuvez-vous cette
sentence ?
Une forêt
de mains se leva cependant que les partisans d’Itherbaal étaient encerclés par
les gardes et conduits sous forte escorte vers une sortie isolée du bâtiment
afin de les soustraire à la furie de la foule déjà avertie du sort qui leur
avait été réservé.
Deux jours
après ce vote, les malheureux, suivis de leurs familles, quittèrent la ville
sous les quolibets et les huées des passants. Ils se dirigèrent vers Cirta où
ils escomptaient être reçus par Masinissa et récompensés de leur fidélité. Le
roi les vit arriver avec un certain déplaisir. Tant qu’ils siégeaient au sein
du Conseil des Cent Quatre, ces hommes lui avaient été utiles et il avait tout
fait pour se concilier leurs bonnes grâces. Aujourd’hui, ils n’étaient plus que
des exilés dont le retour dans leur patrie était improbable. Leur offrir
l’hospitalité et des charges à sa Cour risquait fort de mécontenter un peu plus
Hannon le Rab. Aussi les fit-il assigner à résidence très loin de sa capitale
sans leur verser le moindre argent. En quelques mois, bon nombre de ces
Carthaginois, jadis à la tête d’immenses domaines, périrent de faim ou de
froid, les autres en furent réduits à mendier à la sortie des temples pour
nourrir leurs familles.
Face à la
détermination de Carthage et à l’apparente neutralité de Rome, Masinissa avait
fini par comprendre qu’il avait agi un peu trop à la légère. Il était temps de
donner quelques gages d’apaisement à la cité d’Elissa. Aussi prit-il contact
avec Hasdrubal l’étourneau, un membre du Conseil des Cent Quatre, qui avait
épousé l’une de ses petites-filles, et qui comptait au nombre des sénateurs les
plus modérés. Il lui annonça la prochaine arrivée d’une ambassade
extraordinaire conduite par deux de ses fils, Gulussa et Micipsa. Ils seraient
porteurs de propositions visant à mettre fin à la crise. Les jeunes princes
devaient informer les magistrats carthaginois que l’attaque du village qui
avait déclenché la crise était le fait de rebelles ayant agi à l’insu de leur
roi. Des recherches étaient effectuées pour retrouver les coupables. Une fois
ceux-ci identifiés et arrêtés, ils seraient transférés à Carthage afin d’être jugés
et punis comme ils le méritaient.
Munis de
ces instructions, Gulussa et Micipsa se mirent en route avec une caravane
chargée de présents somptueux et dans laquelle avaient pris place plusieurs
magistrats des villes des Grandes Plaines, emprisonnés pour avoir refusé de
prêter serment d’allégeance au souverain numide et qu’il avait graciés. À
quelques dizaines de stades de Carthage, ils furent rejoints par un détachement
carthaginois à la tête duquel se trouvait Hasdrubal l’étourneau venu leur
signifier qu’à son grand regret le Conseil des Cent Quatre leur ordonnait
d’installer leur campement en dehors de l’enceinte de la cité. Les magistrats
puniques, leur expliqua-t-il, étaient en train de délibérer sur l’opportunité
ou non de les recevoir. Une réponse leur serait donnée sous peu et, en
attendant, la cité d’Elissa leur fournirait le ravitaillement nécessaire tant
pour leurs hommes que pour leurs animaux.
Plusieurs
jours passèrent. Les sénateurs siégeaient sans interruption dans le temple
d’Eshmoun et ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur une décision. Hannon
le Rab était favorable à l’ouverture de pourparlers avec les fils de Masinissa
et avait longuement exposé son point de vue à ses collègues :
— Grâces
soient rendues à nos dieux et à la généreuse Tanit. Ils ont entendu nos
supplications et ont été sensibles à notre détresse. Micipsa et Gulussa ne
viennent pas en triomphateurs arrogants mais en quémandeurs. Ils sont affaiblis
par les hésitations de leur puissant protecteur même s’ils tentent, au début,
de nous faire croire le contraire. Nous sommes donc en position de force pour
exiger l’évacuation graduelle des Grandes Plaines.
— Pourquoi
parles-tu
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