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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne peux guère être apprécié des planteurs d’ici. Tu réprouves l’esclavage et ils en vivent. Néanmoins, tel que je connais le marquis de Barbé-Marbois, il a dû exagérer son impuissance.
    — Crois-tu ?
    — J’en suis certain. Bien sûr, l’île est privée de gouverneur pour quelques jours mais s’il ne craignait pas de mécontenter le Conseil, il t’aurait envoyé de la troupe. Seulement, c’est un homme qui n’aime guère se mouiller. Surtout en faveur d’un révolutionnaire.
    Sourcils légèrement froncés, Judith avait suivi la conversation des deux hommes avec la mine mi-inquiète mi-curieuse de qui n’est pas au courant.
    — Si vous m’appreniez de quoi il est question, messieurs ? Je vous trouve bien sibyllins, ce soir. Un autre drame nous menacerait-il ?
    Repoussant à la fois son assiette et sa chaise, Gilles se leva et alla fermer les fenêtres. À la longue, ces chants funèbres l’agaçaient car il avait l’impression d’entendre chanter, à l’avance, ses propres funérailles.
    — Dis-lui ! fit-il sobrement, s’adressant à Finnegan.
    En quelques mots, le médecin eut mis Judith au courant de ce qui s’était passé depuis la veille et de la grave menace qui pesait à présent sur le domaine.
    Judith l’avait écouté avec un grand calme apparent. Seule sa main fine ornée du seul anneau de mariage dénonçait une légère fièvre en jouant, comme par mégarde, avec une boulette de pain. Quand ce fut fini, elle se contenta de regarder son mari.
    — Qu’allez-vous faire ? dit-elle d’une voix toujours aussi calme.
    — Me défendre. Mais, avant tout, vous mettre à l’abri. J’ai là une lettre de notre ami La Vallée. Il viendra vous prendre demain, avec votre femme de chambre et les dames Gauthier, pour vous conduire à « Trois-Rivières » où Denyse vous attend. Vous y resterez jusqu’à ce que les choses soient rentrées dans l’ordre.
    — Et si elles ne rentrent pas dans l’ordre ?
    — Mais… il n’y a aucune raison. J’ai du monde avec moi et je suis de taille à me défendre. Contre quoi, d’ailleurs ? Une poignée de prêtres plus ou moins valables qui prétendent me mettre en accusation ? Je n’aurai aucune peine à les chasser de chez moi.
    — Alors il n’y a aucune raison que je parte. Mais peut-être pensez-vous sans le dire que ces prêtres pourraient avoir l’idée de demander la protection de la troupe. Cela se fait lorsque l’on veut porter le fer sur un homme que l’on sait dangereux.
    — Que je le pense ou ne le pense pas est sans importance. Je ne veux pas que le moindre danger vous menace. Vous partirez demain avec Fanchon, Anna Gauthier et…
    — Et votre chère Madalen ? Mais comment donc ! Croyez-vous que je sois dupe de votre sollicitude ? C’est elle, avant tout, que vous voulez mettre à l’abri mais comme, tout de même et ne fût-ce que pour le monde, il vous faut d’abord sembler songer à votre épouse, vous avez décidé de nous expédier toutes en chœur. Eh bien, n’y comptez pas !
    Elle aussi s’était levée. Sa tête rousse fièrement dressée au-dessus de sa gorge fine qui battait d’émotion, elle faisait face à son mari.
    — Ne soyez pas stupide, Judith ! Vous avez beaucoup trop d’imagination. Il est normal que je veuille épargner les femmes de ma maison. Que deviendriez-vous si l’on m’arrête ?…
    — Les femmes de la maison ? Pourquoi donc pas alors les Noires aussi bien que les Blanches ? Que deviendront-elles, elles aussi, si l’on vous arrête ? On les renverra à la Criée aux Esclaves pour y être de nouveau vendues ? Non, Gilles, mettez à l’abri Mme Gauthier et sa fille, Fanchon aussi ; j’y consens car elle n’est pas brave. Après tout, ce sont femmes de même sorte. Moi, je reste !
    — Il n’en est pas question, Judith. Je désire que vous partiez…
    Elle lui tournait déjà le dos, se dirigeant vers la porte de son allure royale, suivie comme d’une traîne de son ample jupe verte mais, avant d’atteindre le seuil, elle se retourna.
    — Que vous souhaitiez préserver votre maîtresse, rien de plus naturel, mon ami ! Moi, je ne suis que votre femme mais j’entends l’être jusqu’au bout. Vous ne me ferez pas partir car je ne suis pas, moi, une Madalen Gauthier. Je suis Judith de Tournemine de La Hunaudaye. Je suis la maîtresse de « Haute-Savane » et j’aime cette terre autant que vous pouvez l’aimer vous-même. On m’y

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