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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de porter en terre leur visiteur mais garda son impression pour lui-même. Il n’aimait guère les figures de bois des soldats qui, armés jusqu’aux dents, fermaient la marche.
    Quand on déboucha dans la clairière, une surprise l’attendait : rangés autour du mausolée en un sombre demi-cercle, tous les travailleurs mâles de ses plantations étaient là, vêtus de leurs meilleurs habits, bras croisés et observant un profond silence. Leurs mains étaient vides mais à leurs ceintures, les sabres d’abattis pendaient dans leurs gaines de cuir brut et Moïse, gigantesque et majestueux, se tenait devant la grille du tombeau comme pour en défendre l’entrée. Et Gilles, envahi par une profonde vague de joie, comprit que ces hommes étaient là pour lui, pour affronter s’il le fallait les mousquets des miliciens avec leurs machettes et leurs poitrines sans remparts, pour empêcher que les vautours ne plantent leurs griffes dans ce qui était à présent l’œuvre commune. Il comprit qu’il avait gagné cette bataille-là et qu’à cette minute décisive les Noirs auxquels il avait rendu leur fierté d’être des hommes venaient lui apporter sa récompense.
    Le regard brun du coadjuteur, abrité sous une épaisse frange de cils, parcourut les rangs serrés.
    — Que veulent ces esclaves ? demanda-t-il d’un ton où perçait la méfiance.
    — Rien d’autre que rendre hommage à Votre Révérence, répondit Gilles, suave. Ils espèrent seulement qu’une fois achevé le vilain ouvrage où la contraignent mes ennemis, elle voudra bien leur donner sa bénédiction… ainsi qu’à moi-même, d’ailleurs.
    Sur un signe de Moïse, deux hommes munis des outils nécessaires à l’ouverture du cercueil de cuivre sortirent des rangs tandis que Gilles ouvrait la grille. Puis il s’écarta pour livrer passage aux ouvriers et aux deux religieux tandis que Judith se laissait tomber à genoux dans l’herbe et commençait à prier. Gilles resta debout auprès d’elle, bras croisés, attendant. Seul Finnegan avait suivi le coadjuteur à l’intérieur du tombeau.
    Les minutes qui coulèrent parurent à Gilles durer une éternité. Son imagination lui présentait tout ce qui pouvait se passer dans la petite crypte qu’il connaissait si bien et, sous son jabot de dentelle, son cœur battait la chamade.
    Soudain, Judith releva vers lui un visage blêmissant dont les narines palpitantes se pinçaient.
    — Mon Dieu ! Quelle… quelle horrible odeur…
    En effet, par l’étroit soupirail auprès duquel la jeune femme était agenouillée, une atroce puanteur filtrait. Vivement, Gilles se pencha, enleva dans ses bras sa femme qui était en train de s’évanouir et l’emporta à l’écart. Au même moment le coadjuteur reparaissait soutenu d’un côté par le frère Ignace et de l’autre par Finnegan dont les prunelles vertes pétillaient de gaieté contenue à grand-peine. Dans ses mains tremblantes, Collin d’Agret tenait un mouchoir parfumé qu’il appliquait sur son nez, visiblement au bord de l’évanouissement lui aussi.
    Abandonnant Judith, qui d’ailleurs revenait à elle, aux soins de Pierre, Gilles se précipita.
    — Votre Révérence n’est pas bien ?
    Tandis que Finnegan le réinstallait dans son palanquin avec des soins de mère, le coadjuteur entrouvrit les paupières, montrant une prunelle vacillante.
    — Faites… faites-moi ramener chez vous, monsieur de Tournemine. J’ai… j’ai grand besoin de réconfort. Quelle… quelle affreuse chose !
    — Si Votre Révérence avait daigné m’écouter, elle se serait évité cet instant atroce. J’étais persuadé que M. de Ferronnet était bien dans son tombeau.
    — Vous… vous aviez raison ! Frère Ignace, ajouta-t-il à l’adresse du moine qui, les yeux à terre et les mains au fond de ses manches, rongeait visiblement son frein, tâchez à l’avenir de ne plus nous imposer de telles épreuves. Quelle horreur, doux Jésus ! Cette odeur abominable nous colle à la peau…
    Tandis que les porteurs noirs hissaient le palanquin sur leurs épaules et prenaient, presque en courant, le chemin de la maison suivis par le frère Ignace, Gilles interrogea Finnegan qui visiblement retenait héroïquement un fou rire.
    — Si tu m’expliquais ?
    — Il n’y a rien à expliquer, sinon que Tsing-Tcha a vraiment bien gagné l’or que tu lui as donné. Juste avant que nous ne refermions le couvercle, il a crevé une petite vessie de

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