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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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été en peine de vous ! Je pensais, comme Gilles, que vous nous aviez oubliés.
    Finnegan prit ses mains et y enfouit son visage que la joie faisait aussi rouge que ses cheveux.
    — Comment pourrait-on vous oublier quand une fois on vous a vue, madame ? J’avais à faire chez M. Tsing-Tcha, tout simplement, et je vous supplie de me pardonner si je vous ai causé quelque inquiétude. Mais je ne dirai pas que je le regrette car vous venez de me donner une grande joie.
    — Alors oublions tout et passons à table. Je ne connais pas vos coutumes, monsieur, dit-elle en se tournant vers le Chinois qui la regardait avec admiration, mais notre usage veut que l’hôte principal donne la main à la maîtresse de maison pour gagner sa place. Me donnerez-vous la vôtre ?
    — Très indigne je suis de pareil bonheur ! articula Tsing-Tcha en se livrant à une série de cérémonieuses courbettes. Ma vile main dans celle, de nacre et d’ivoire, de la déesse du Soleil ? Je ne saurais.
    Et, tirant de sa manche un ample mouchoir de légère soie bleue, il s’en couvrit la main avant de l’offrir à la jeune femme puis tous deux se mirent en marche vers la table fleurie, dont les cristaux étincelaient sous la longue flamme des bougies de cire fine. Gilles et Finnegan suivirent l’étrange couple, vigoureusement disparate, car Judith dépassait son hôte d’une bonne tête.
    — J’ignorais, souffla Gilles, que les Chinois avaient un tel respect pour les dames européennes. C’est joli cette idée du mouchoir de soie…
    — C’est surtout commode si l’on ne veut pas souiller un épiderme céleste au contact d’une diablesse étrangère, fit l’Irlandais mi-figue mi-raisin.

    Il était tard et tout dormait dans la maison quand Gilles, Finnegan, Pongo, Moïse et Tsing-Tcha quittèrent le logis de l’Irlandais où ils étaient allés finir la soirée sous prétexte de goûter un fabuleux whisky rapporté du Cap par le médecin. Sans faire plus de bruit qu’une bande de chats, ils allèrent jusqu’au chariot de meubles, en tirèrent le coffre d’ébène et de nacre qui glissa sans peine de sous l’enchevêtrement ingénieusement équilibré des chaises et de la table qui le surmontaient. On ouvrit le coffre, on en tira un objet long et lourd, enveloppé d’une étoffe noire, que Moïse chargea sur son dos tandis que le coffre reprenait sa place. Puis toujours en silence, le petit cortège prit le chemin creux qui menait vers la clairière et la tombe des Ferronnet.
    Une heure plus tard, Gilles refermait la grille du tombeau. Le lourd cercueil renfermait à présent le corps d’un vieux marin hollandais, assommé quelques jours plus tôt dans une rixe de cabaret et dont M. Tsing-Tcha avait discrètement récupéré le corps comme la chose lui arrivait parfois quand il souhaitait poursuivre ses expériences chimiques. À la demande et sur les indications de Finnegan, il s’était contenté de lui faire subir certaines transformations qui pouvaient l’aider à passer aisément pour le corps à demi momifié d’un homme enseveli depuis une grande année. Ainsi, la fameuse tache de vin sur la joue gauche avait été habilement imitée grâce au procédé usité normalement pour les tatouages de marins. Le corps avait été revêtu d’habits de soie, semblables à ceux dont l’Irlandais avait gardé le souvenir, coiffé d’une perruque blanche convenablement ternie, ainsi d’ailleurs que les vêtements, et l’on avait même poussé le souci du détail jusqu’à orner l’annulaire du pseudo Ferronnet d’une chevalière gravée à ses armes.
    Avant de rabattre le couvercle, Finnegan avait longuement contemplé le résultat de l’industrie chinoise.
    — Tu crois que cela va marcher ? avait soufflé Gilles.
    — Je l’espère bien. Pour moi qui ai connu le vieux monsieur, c’est tout à fait étonnant. Vous êtes un grand artiste, monsieur Tsing-Tcha.
    Le Chinois s’inclina avec le large sourire d’une prima donna sous les applaudissements, visiblement ravi.
    — Merci grandement ! L’homme misérable et maladroit peut se dépasser lui-même et atteindre au chef-d’œuvre quand il est convenablement stimulé. Pour l’indigne Tsing-Tcha, il n’est de meilleur stimulant que l’or, cette forme terrestre du soleil, et son ami aux yeux couleur d’herbe lui en a promis s’il réussissait.
    — Je tiendrai sa promesse dès que nous serons rentrés à la maison. Puis je vous ferai ramener au

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