Haute-Ville, Basse-Ville
lui paraissait pas mauvaise. Marceau gâcha en quelque sorte son plan en proposant une version simplifiée :
— Le mieux serait une confession, puis un suicide. Ce ne sérait que justice. Une vie pour une vie.
— Vas-y, tonna Lafrance. C'est toi qui l'as fait monter dans l'auto. Tu es le premier responsable. Qui nous dit que tu ne l'as pas tuée aussi ?
Marceau le regarda un long moment avec des yeux mauvais.
— J'ai une grande responsabilité dans cette histoire. Mais je n'ai tué personne. Je ne me sacrifierai pas pour sauver le monstre.
— C'est peut-être Fitzpatrick, répliqua immédiatement Lafrance, un peu effrayé par la violence du ton. Il signerait peut-être une confession. Il va mourir, de toute façon. Il n'a plus rien à perdre.
Henri Trudel doutait que Fitzpatrick désire se charger ili-ce crime pour sauver un membre de sa famille. Il en parlerait à son père, toutefois. Ils se quittèrent finalement habités d'uni-méfiance les uns pour les autres qui confinait à la haine.
Renaud et Lara ne connurent pas leur meilleur après-midi. Il tenta de la rassurer de son mieux, mais l'éventualité de passer une période d'une durée indéterminée à Montréal, toute seule, ne la réjouissait guère. Elle devait toutefois lui faire confiance, son destin se trouvait entre ses mains.
Finalement, un peu pour lui changer les idées, il lui demanda :
— Tu ne m'as jamais dit ton nom. Comment t'appelles-
tu?
Cela réussit à ramener un demi-sourire sur ses lèvres.
— Tu ne vas pas te moquer?
— Je ne me suis jamais moqué de toi.
— Je m'appelle... Virginie.
Il y eut une petite pause, puis elle ajouta en le regardant :
— C'est ridicule, n'est-ce pas, pour une prostituée. J'ai emprunté un nom de comédienne, risible lui aussi, mais au moins ce n'était pas le mien.
Que répondre à cela ? C'était comme de s'appeler Blanche et d'être la victime d'abus sexuel, puis finalement de viol. La vie se permettait des ironies cruelles.
— Et ton nom de famille ?
— Ce n'est pas beaucoup mieux... Sanfaçon.
Cette fois, il n'essaya même pas de retenir un grand rire. Elle eut l'air vexée un moment, avant de s'esclaffer aussi. Il passa la soirée confortablement assis avec Virginie Sanfaçon contre lui. Il s'assura qu'elle avait un compte en banque et des papiers d'identité en ordre. Elle possédait tout cela.
Le lendemain, ils récupérèrent sa voiture et firent un long arrêt devant sa succursale bancaire. En revenant, il lui remit une enveloppe épaisse. Elle y trouva quelques centaines de dollars comptant et des titres pour plus de deux mille dollars, le tout au nom de Virginie Sanfaçon. Elle lui rendit tout de suite le paquet en disant :
— Je ne veux pas d'argent.
Elle désirait son amitié, sinon plus, mais deux ans de salaire d'une secrétaire lui donnaient le vertige.
— Je ne te le donne pas. Tu me le remettras dès qu'on se reverra. Je te le confie pour un moment.
— C'est une fortune. J'ai un peu d'argent à moi.
— Tu vas m'écouter attentivement. Je ne pense pas courir grand risque, maintenant, mais on ne sait jamais. Toi, tu es en danger à Québec. En te confiant cette somme, au moins je ne m'inquiéterai pas pour toi. Je vais avoir l'esprit tranquille. De ton côté, tu pourras faire face à tous les imprévus.
Elle demeura songeuse, murmura après un moment :
— Ce n'est pas une façon de te débarrasser de moi ?
— Il y aurait une façon très simple de me débarrasser de toi.
Il lui suffisait de la déposer devant la porte du Chat. Elle comprit.
— Je ne veux pas m'en faire pour toi au moment où je dois chercher un moyen de me sortir de cette histoire.
— Je vais te revoir?
— Tu vas me revoir. Il ne m'arrivera rien.
Elle n'était qu'à demi convaincue. En même temps, elle savait devoir apprendre à se débrouiller seule. Ils n'avaient jamais évoqué ensemble un avenir commun. Elle ne pouvait tout de même pas espérer...
L'homme se mit en route vers Trois-Rivières après lui avoir remis l'argent, qu'elle rangea finalement dans son sac quand ils furent rendus à Donnacona. La mettre dans le train à Québec lui paraissait imprudent. Tant Ovide Germain que Daniel Ryan pouvaient avoir des informateurs à la gare. La discrétion lui faisait préférer quatre ou cinq heures de route, emmitouflé dans de nombreuses couches de
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