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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vêtements car il faisait un froid sibérien dans le véhicule. Il ne remarqua même-pas le camion Ford derrière lui. Pourtant ce véhicule l'avait déjà suivi jusqu'à la banque.
    Les conditions routières étaient si difficiles qu'aucun autre véhicule à moteur ne semblait circuler sur la route ce jour-là. Seuls des traîneaux vinrent le ralentir plusieurs fois. Son inattention témoignait de son trouble.
    Ils arrivèrent à Trois-Rivières vers quatre heures, juste à temps pour le train. Cela présentait au moins deux avantages. D'abord, les adieux seraient brefs. Ensuite, Renaud s'assurerait que personne ne monte derrière elle. A Montréal, elle irait dans un petit hôtel dont la publicité disait qu'il convenait parfaitement aux femmes voyageant seules.
    Quand Renaud sortit de la gare, Ovide Germain venait juste de repérer son auto devant l'édifice. Le truand avait eu du mal à le suivre dans la ville. Il hésita un moment sur la stratégie à adopter. Il ne pouvait espérer aller aussi vite que le train, compte tenu de l'état des routes, pour cueillir sa victime à destination. Puis, elle pouvait tout autant vouloir se perdre dans une grande ville comme Montréal que s'arrêter dans un village. La meilleure façon de procéder était d'obtenir de Renaud Daigle qu'il l'informe du lieu de sa cachette.
    Pourquoi cette petite putain s'incrustait-elle dans la vie de ce bourgeois ? Lui l'avait trouvée froide, prétentieuse, étrange. Puis la salope le regardait de haut, se croyait meilleure que lui, incapable malgré sa terreur de dissimuler son mépris. Le voyou lui enseignerait le respect. Comme la plupart des autres trouvaient Lara attachante, y compris Berthe, ce ne serait pas un mauvais calcul de lui régler son compte. La leçon porterait. Il serait tranquille avec son écurie pour au moins deux ou trois ans. Il avait commencé à terroriser les jeunes filles chez son père, celles que ce dernier avait adoptées. Il le faisait maintenant avec suffisamment de talent pour en faire un gagne-pain.
    Ovide Germain rageait contre le chef Ryan. Le policier lui avait ordonné de ne plus approcher Renaud Daigle. Ce revirement de situation lui paraissait incompréhensible. Dans un premier temps, il l'avait emmené avec lui fouiller l'appartement, puis son petit coup de rasoir avait horrifié le fonctionnaire. Ce dernier se montrait audacieux une journée, tout peureux le lendemain.
    — Si Daigle se trouve sur mon chemin pour une affaire de prostitution, grommela le truand, cela ne regarde plus ce gros cochon.
    Debout sur le trottoir devant la gare, Renaud contempla le ciel un moment. Il ne serait pas à Québec avant le milieu de la soirée, les restaurants n'abondaient pas le long de la route. Il décida de manger avant de repartir. Quelques magasins et des restaurants s'alignaient dans la rue des Forges. Seul à une table, il parcourut les pages de l'ennuyeux Nouvelliste, le quotidien de la ville. Son repas, ou l'odeur d'œufs pourris répandue par les usines de papier, le laissèrent un peu nauséeux. Il reprit la route vers six heures trente, après avoir un peu erré dans les rues.
    Une fois hors de Cap-de-la-Madeleine, le voyageur se trouva en pleine campagne, sur une route déserte. Depuis le coucher du soleil, le froid avait durci encore plus la couche de neige glacée. L'homme devait rouler lentement, se lier à la lumière de ses phares pour contourner une ornière trop profonde ou un amoncellement de neige. Heureusement, sa voiture était haute sur ses roues, suffisamment pour éviter que le fond du véhicule ne heurte la surface gelée quand Renaud glissait dans une ornière laissée par les lisses des traîneaux. Son auto passait dans ces creux et ces bosses sans souffrir. Le fleuve Saint-Laurent se trouvait sur sa droite et des fermes sur sa gauche, jusqu'au village de Champlain.
    La route s'éloignait ensuite du fleuve, les maisons se faisaient plus rares. A cet endroit, un petit camion choisit de le dépasser. Renaud se tassa volontiers pour favoriser la manœuvre: il était un peu las d'être aveuglé par les phares éclairant son rétroviseur.
    Avant d'arriver à Sainte-Anne-de-la-Pérade, un bout de chemin sombre et désert était coupé par un cours d'eau encaissé. Le pont se révéla terriblement étroit. Le camion s'immobilisa juste de l'autre côté, de façon à bloquer complètement le passage.
    — Un problème mécanique, je suppose, murmura Renaud.
    Le conducteur du camion descendit

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