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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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avait-on dit, à giguer au bout de la corde.
    A cette heure, un samedi, les environs du bassin Louise étaient déserts. Il enleva le frein de la voiture, roula jusqu'au bord du quai. Il laissa le moteur tourner pour avoir un peu de chaleur. Quelques mètres plus bas, l'eau sombre s'encombrait encore d'énormes blocs de glace.
    —    Personne ne connaît les détails de cette affaire, dit-il. Les policiers ne peuvent rien contre moi.
    —    Je connais toute l'histoire.
    —    Tu me dénoncerais ?
    —    Sans hésiter. Déjà, tu évoques le meurtre d'autres personnes, comme Daigle. Ma bonne action, pour compenser mon rôle dans cette triste histoire, sera de t'empêcher de tuer une autre personne.
    Lafrance pensa sauter au cou de Marceau pour l'étrangler tout de suite. Il pourrait ensuite lui mettre une corde et l'accrocher à un arbre. Une confession écrite à la machine suffirait à donner le change. Mais son compagnon ne se laisserait pas faire.
    —    Quel est ton plan ? Tu as tout réglé dans ta petite cervelle, j'en suis sûr.
    —    J'ai laissé une confession à la maison, mentit Marceau. Tous les détails, avec nos noms en bas. Nous sommes les deux coupables. Moi, pour l'avoir fait monter dans l'auto, toi, pour l'avoir tuée. J'innocente les autres dans ce texte.
    —    C'est la partie la plus sympathique de ton plan, je suppose. Ensuite?
    —    On se suicide tous les deux. J'ai un pistolet.
    Le sang se retira du visage de Lafrance. Son compagnon sortit une arme de sa poche pour la lui montrer.
    —    C'est un .22.
    L'homosexuel semblait hypnotisé par cet objet.
    —    Le mieux est de se tirer dans la bouche.
    Il arma le pistolet en disant :
    —    Tu feras la même chose à ton tour.
    Il ouvrit la bouche, appuya le canon sur son palais. Son compagnon regardait, fasciné. Il réfléchissait déjà à la façon d'entrer dans la chambre de son camarade pour voler la fameuse confession et la remplacer par celle qu'il rédigerait, avec un seul nom à la fin.
    Marceau retira le pistolet de sa bouche en disant :
    —    Tu vas me laisser crever tout seul, je parie. Tu le fais le premier, moi ensuite.
    Il lui tendit le pistolet en le tenant par le canon. L'autre le prit, interloqué, puis il éclata d'un grand rire en pointant l'arme sur la tempe du passager de l'automobile. On se suicidait aussi de cette façon.
    —    Non seulement tu es stupide, souffla-t-il, mais tout le monde va se souvenir de toi comme d'un violeur et d'un tueur.
    Lafrance appuya sur la détente. Clic. Il refit le geste de mettre une cartouche dans le canon et tira de nouveau. Clic. Marceau éclata de rire.
    —    Je savais que tu ferais cela! réussit-il à articuler. Aux Olympiades de 1928, présente-toi pour la médaille de la stupidité. Elle est pour toi.
    L'autre se précipita, chercha à prendre son camarade à la gorge, sans succès. Marceau réussit assez facilement à lui immobiliser les deux bras. Tous deux devaient se tourner à demi pour lutter. Chanceux, ses mouvements moins limités par le volant, le passager put porter un coup à la tête du conducteur, assez fort pour l'étourdir, avant de frapper encore de nombreuses fois. En se pressant tout contre Lafrance, il put avoir accès à la pédale d'embrayage, passa en première, leva le pied. La Coach Overland avança lentement vers le vide.
    Son adversaire prit conscience du danger. Sur le plancher de la voiture, leurs pieds se livraient à un curieux duel. L'un essayait de rejoindre la pédale de frein, l'autre essayait de l'en empêcher tout en cherchant l'accélérateur. Il l'effleura, la voiture fit un bond en avant.
    L'auto heurta l'eau dans un grand plouf, le pare-chocs en premier, défonçant la glace. Les deux passagers furent projetés vers l'avant, donnèrent rudement dans le pare-brise. Marceau réussit à empêcher Lafrance d'ouvrir la portière pour sortir. L'eau entrait rapidement dans le véhicule. Elle était si froide qu'ils sentirent comme une main serrer leurs cœurs. « Finalement, ce n'est pas une mauvaise façon de s'en aller», songea l'homosexuel. Ses dernières pensées le ramenèrent encore aux premières années de sa vie, avant que la honte et les remords ne deviennent ses compagnons habituels. Puis, le vide.

Chapitre 20
    Un mouchoir dans la main, car son long trajet dans des vêtements trempés l'avait laissé enrhumé, Renaud alla chercher les journaux et son courrier, lundi matin. Il

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