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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’été précédent, à Paris, un Américain, Robert Fulton, ancien peintre miniaturiste à Philadelphie, avait lancé, sur la Seine, une sorte de navire sous-marin de sept mètres de long, propulsé par une hélice à deux pales et dont l’immersion était provoquée par le remplissage de deux ballasts. Dirigé par deux gouvernails, l’un horizontal, l’autre vertical, le Nautulus 7 , c’était son nom, pouvait, grâce à un mât et à une voile escamotables, naviguer en surface comme une barque quelconque. Cet étrange vaisseau, destiné à la guerre navale, traînait une sorte de mine dont le filin de remorquage passait dans le chas d’un éperon, grosse aiguille qu’il fallait ficher dans la carène du bateau à détruire ! Le sous-marin faisait alors machine arrière et la charge explosive, rivée au navire ennemi, remplissait son office ! Lors des essais, en pré sence des savants et sénateurs Gaspard Monge et Pierre-Simon de Laplace, qui assistaient Pierre-Alexandre Forfait, ministre de la Marine, le sous-marin avait navigué sous l’eau, avec deux hommes à bord, à la vitesse de trois nœuds pendant quarante-cinq minutes.
     
    Bonaparte ayant l’intention d’utiliser ce squale contre la marine britannique, et bien que le ministre de la Marine eût trouvé le procédé barbare, une tentative avait été faite dans la baie de Seine dès le mois de septembre. Il s’agissait de couler deux bricks anglais, postés près des îles Saint-Marcouf, où les Britanniques avaient installé un poste militaire en 1793. Ces navires gênaient les communications entre Cherbourg et Le Havre.
     
    La marée contraire avait obligé les deux marins de Fulton à rester, pendant six heures, serrés dans leur étui de métal, à la limite de la suffocation. À la nouvelle marée, les bricks avaient mis à la voile. Il s’en était fallu de peu que l’invention diabolique de Fulton tombât ce jour-là aux mains des Anglais !
     
    – C’eût été pain bénit, s’écria Flora.
     
    – N’importe comment, les Anglais disposeront bientôt de l’engin, car, déçu par les Français qui ont refusé de financer son concours, Robert Fulton a traversé la Manche pour proposer son Nautulus à la marine de Sa Très Gracieuse Majesté, expliqua le visiteur.
     
    – C’est de bonne guerre… si l’on peut dire, fit Guillaume.
     
    – Pour un Américain, la guerre est une affaire comme une autre ! Fulton venait d’arriver quand je me préparais à quitter Londres. D’après ce que j’ai entendu dire par un parlementaire, au Brook’s Club où j’ai mes entrées, le Premier ministre, M. William Pitt, a désigné une commission pour examiner l’invention de l’Américain bien que le lord de l’Amirauté, le comte de Saint Vincent, eût déjà donné son sentiment en disant : « Pitt est le plus grand fou qui ait jamais vécu pour vouloir encourager un mode de guerre inutile à la nation qui possède la maîtrise des mers et qui, s’il réussissait, la lui ferait perdre ! » Voilà où en sont les affaires de Fulton, qui pense aussi à construire un navire à vapeur plus pacifique, comme celui de Symington.
     
    – Si nous pouvions avoir un bateau à vapeur sur le Léman, ou même disposer du brevet permettant de construire un tel bateau, imaginez tout ce qui pourrait changer dans la navigation ! lança Guillaume, l’œil brillant de convoitise.
     
    – Il est certain que le premier qui disposera d’un bateau à vapeur damera le pion à tous les bacounis du Léman, reconnut le négociant.
     
    Martin Chantenoz, resté jusque-là silencieux, intervint, avec sa causticité habituelle, pour dire qu’il n’accordait aucune confiance à une telle invention.
     
    – Neptune a fait les vents pour servir les marins. Cette concurrence fumeuse et puante suscitera sa colère. Il se vengera en soufflant vents et tempêtes, provoquera l’explosion des chaudières pour faire périr les présomptueux ! D’ailleurs, le général Bonaparte, qui ne manque pas d’audace et possède une rare intelligence, n’a pas voulu du « chariot d’eau mû par le feu » de M. Fulton.
     
    Guillaume se mit à rire et les invités se retinrent d’en faire autant.
     
    – Poète ! Tu n’entends rien aux progrès de la mécanique et des chaudières. Je suis certain qu’avant longtemps on saura maîtriser la vapeur, comme on maîtrise un cheval !
     
    Chantenoz ne s’avoua pas vaincu et prouva qu’il

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