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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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posséder un exemplaire de l’ Art de connaître les hommes par la physionomie , dédicacé par l’auteur, « à l’escholier Martin, un jeune poète vaudois qui promet ».
     
    Le fait que Johann Kaspar Lavater eût succombé, après deux ans de souffrances, à une blessure reçue d’un soldat français de l’armée de Masséna, lors du siège de Zurich en 1799, ajoutait encore à la tristesse de Martin. Il voyait là une méchanceté gratuite du destin, une illustration cruelle de la bêtise des guerres.
     
    Naturellement, Flora Baldini, qui ne connaissait du théologien poète zurichois que les Chants helvétiques , n’avait pas laissé échapper l’occasion de fustiger, une fois de plus, les militaires révolutionnaires français « assassins, non seulement des soldats suisses de Louis XVI, mais aussi d’un grand esprit ».
     
    Chantenoz savait les circonstances de la blessure infligée à Lavater et mettait au compte de la fatalité, plutôt qu’à celui de la haine, le drame de 1799. Il regrettait surtout que le philosophe physiognomoniste, qui croyait à une harmonie entre la grandeur morale et la beauté physique, recherchait avec application et modestie chez tout être vivant les pulsations de l’âme, eût été enlevé, à l’âge de soixante ans, sans avoir eu le temps d’achever son œuvre.
     
    Une dépêche, venue de Paris et reproduite par les journaux, devait, quelques jours plus tard, faire passer au second plan le deuil des intellectuels suisses. Les Métaz apprirent, à l’heure du café, par le Bulletin helvétique , l’attentat commis rue Saint-Nicaise contre le Premier consul.
     
    – Eh bien ! Bonaparte l’a échappé belle, écoutez ça, dit Guillaume :
     
    « Le 24 décembre, le Premier consul avait décidé de se rendre à l’Opéra pour assister à la première audition de l’oratorio pour solistes, chœur et orchestre de Franz Joseph Haydn qui a connu un grand succès l’an passé à Vienne. Vers huit heures et demie, la voiture du Premier consul, suivie d’une garde de chasseurs à cheval, approchait du théâtre de la République, quand retentit dans la rue Nicaise, autrefois Saint-Nicaise, que venait d’emprunter deux minutes plus tôt l’attelage de Bonaparte, une violente explosion. Celle-ci eut lieu dans la rue même, la machine infernale étant portée par un cabriolet attelé d’une rosse qui fut la première victime de l’explosion. On en a déploré malheureusement d’autres : dix personnes au moins ont été tuées, une vingtaine blessées dont six mutilées de façon atroce. Une très jeune fille qui passait près du cabriolet a été entièrement déchiquetée par le souffle de l’artifice 4 . Des bornes ont été arrachées, des façades ont été endommagées et noircies par la poudre. Beaucoup de fenêtres étant tombées, certains intérieurs ont subi d’importants dégâts. On sait que les anarchistes avaient depuis longtemps le projet d’attaquer la voiture du Premier consul. C’est de ce côté-là que la police recherche les coupables, encore que d’autres personnes dans l’entourage des consuls pensent qu’il pourrait s’agir de monarchistes venus d’Angleterre ou de chouans qui n’ont pas désarmé. »
     
    Avant la fin du compte rendu, lu par Guillaume, Charlotte sentit son cœur palpiter très fort, puis sa vue se troubla, tout devint flou autour d’elle et Flora la vit glisser doucement de son fauteuil sur le parquet du salon. Affolé, Guillaume se précipita, souleva sa femme dans ses bras et la déposa sur le lit de repos. Comme il se lamentait, ne sachant que tapoter les joues de l’inconsciente, Flora, qui s’était éloignée, revint avec un flacon de sels, Polline sur les talons.
     
    – C’est tout rien, une petite faiblesse de future maman. Dans une minute elle y pensera plus, diagnostiqua la domestique.
     
    Déjà, M me  Métaz ouvrait les yeux, reprenait ses couleurs et demandait ce qui s’était passé.
     
    – Va quérir le docteur Levade, ordonna Guillaume à Polline.
     
    La vieille femme le regarda d’un air étonné et ne broncha pas.
     
    – On va pas déranger le docteur pour ça, non !
     
    Comme pour donner raison à Polline, Charlotte repoussa le flacon de sels, s’assit sans effort et demanda un verre d’eau.
     
    – Tu m’as bien fait peur, dit Guillaume.
     
    Il ne quitta sa femme, pour se rendre à ses affaires, qu’au moment où, le malaise étant oublié, Charlotte

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