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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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un homme de lettres britannique, fort riche, nommé Quentin Craufurd, et M. de Fersen ! Ce ménage à trois a duré jusqu’à ce que ton cher comte fût envoyé par le roi Gustave IV de Suède pour représenter son pays au congrès de Rastadt en 97.
     
    – Et qu’est-il devenu ? demanda Charlotte, un peu pincée.
     
    – Il est maintenant grand maréchal de la cour de Suède et Eleonora vit à Vienne avec Craufurd, plus espion qu’écrivain. Cela dit, il faut tout de même reconnaître que l’évasion manquée de Louis XVI a coûté à Fersen la bagatelle de trois cent mille livres !
     
    – Tu as l’art très pervers de détruire toutes les romances qui me plaisent, maugréa Charlotte. Mais cela ne m’influence pas et Axel est un beau prénom !
     
    – C’est un beau prénom, j’en conviens, autrefois courant chez les Vikings, dit-on. J’espère qu’il sera mieux illustré par un Vaudois que par le Suédois dont tu es entichée !
     
    Depuis ses relevailles, qui s’étaient déroulées suivant le rite catholique romain à Échallens, Charlotte, soucieuse de préserver la finesse retrouvée de sa taille, se faisait chaque matin serrer dans un corset jusqu’à la suffocation. La couturière et la modiste se relayaient à Rive-Reine et M me  Métaz passait son temps à parler chiffons avec son amie Élise Ruty.
     

    Tante Mathilde était venue en cabriolet assister au baptême d’Axel, à qui elle avait offert une timbale en vermeil et un hochet d’argent à manche d’ivoire. Charlotte demanda à son mari la faveur de profiter du retour de sa parente à Lausanne, afin d’y faire quelques emplettes qualifiées d’indispensables. Elle reviendrait par la poste.
     
    Guillaume, en excellente disposition depuis que sa femme l’avait rendu père, approuva le projet. S’étant rapproché de Charlotte, il lui passa un bras autour de l’épaule.
     
    – Tu ne reviendras pas de Lausanne avec la poste, ma cocolette, mais avec ta voiture. Oui, avec notre voiture. Car elle sera bientôt prête. Tu la verras chez Bertrand, le premier carrossier du pays. J’enverrai les chevaux pour la ramener avec toi à Vevey. Es-tu contente, dis ?
     
    Charlotte battit des mains comme l’enfant à qui l’on annonce le jouet depuis longtemps désiré.
     
    – J’ai commandé une bonne voiture pour emmener toute la famille en voyage. Le grand coupé à deux chevaux, le plus robuste, bien suspendu, bien carrossé, laqué de gris et capitonné de cuir rouge. Je n’ai pas regardé à la dépense, crois-moi… D’ailleurs, je te remettrai par écrit les consignes que j’ai données au carrossier. Tu vérifieras qu’il ne nous trompe pas sur la qualité des bois et le ferrage des roues.
     
    L’instinct économe du paysan vaudois se manifestait toujours, chez Guillaume, par un contrôle minutieux de la marchandise livrée.
     
    – C’est un bien grand plaisir que tu me fais là, reconnut Charlotte en embrassant son mari.
     
    Avec une voiture, elle pourrait enfin jouer à la dame et se déplacer sans attendre le bon vouloir des uns ou des autres. Le soir même, elle fit ses bagages, ayant obtenu de passer au moins une semaine à Lausanne, afin de prendre le temps de choisir quelques frivolités qu’on ne trouvait pas à Vevey. De cette absence un peu plus longue qu’escompté, Guillaume parut s’inquiéter :
     
    – Mais qui s’occupera de notre fils ? Il y a la nourrice, certes, mais…
     
    – Flora va venir s’installer ici et puis, tu sais, un bébé n’a besoin que téter, dormir, être propre et langé. Ne te fais aucun souci, et surtout ne va pas trop souvent le caresser comme un chaton. Tu as les doigts si durs ! Les tout-petits ont la peau tendre. Et puis ils ne doivent pas être agacés.
     

    Au printemps, la route entre Vevey et Lausanne, bien que sinueuse, accidentée et souvent cahoteuse, offrait au regard le plein renouveau de la nature.
     
    Dans les vignes, les hommes plantaient les jeunes ceps destinés à remplacer les anciens qui, devenus stériles, avaient été arrachés en novembre. Ainsi, chaque année, après la taille, les vignerons assuraient, parcelle à parcelle, la relève des ceps plantés par leur père ou leur grand-père. Une vigne restait productive le temps d’une génération et les propriétaires se faisaient un devoir, au cours de leur vie, d’en renouveler tous les plants, afin de la léguer encore féconde et saine à leur

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