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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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compliment pour votre pauvre épouse ! dit Polline, qui avait assisté la sage-femme.
     
    – C’est-à-dire qu’on l’attendait que dans un mois, d’après les comptes de ma femme. Il est un peu prématuré. C’est peut-être pour ça qu’il ne paraît pas bien rempli de chair !
     
    – Il se remplira vite, vous faites pas de souci, monsieur Métaz. Ce sera un beau gaillard, moi, je vous le dis. Voyez ses mains et ses pieds, comme ils sont grands et fins. J’ai l’habitude, vous savez, dit l’accoucheuse.
     
    – S’il est arrivé plus tôt que prévu, hein, c’est parce qu’il était impatient de voir son père ! conclut Guillaume, jobard et satisfait.
     
    Il se déclara ensuite le plus heureux des hommes et mouilla de larmes de gratitude la main de Charlotte, dont le visage paraissait aussi blanc que la batiste des oreillers.
     
    – Il faut la laisser reposer et surtout ne pas trop regarder votre fils avant que la mère et l’enfant soient remis. J’attends la nourrice, puisque M me  Métaz ne veut point allaiter, déclara la matrone d’un ton aigre-doux, en poussant le père sur le palier.
     
    Au petit matin, Flora, prévenue par Polline, entra comme un tourbillon dans la chambre de son amie, qu’elle tira brutalement de la somnolence.
     
    – Alors, ma belle, te voilà déjà délivrée. Montre un peu cet héritier.
     
    Sans aucun ménagement, elle écarta les rideaux et se pencha sur le berceau où reposait le nouveau-né boudiné dans ses langes.
     
    – Les nouveau-nés sont comme les poussins, ils se ressemblent tous, dit-elle.
     
    – Peut-être, mais celui-ci est ton filleul car, souviens-t’en, tu as accepté d’être marraine.
     
    – Je ne m’en dédis point. Et, comment va-t-on l’appeler, cet enfant ?
     
    – Nous avons depuis longtemps décidé, Guillaume et moi, qu’il porterait les prénoms de ses grands-pères, Simon et Johann, mais je compte bien que le premier sera Axel. C’est moi qui l’ai choisi.
     
    – Je reconnais que Johann et Simon sont des prénoms qui vont à un homme de cinquante ans, mais Axel, pourquoi Axel, d’où te vient cette idée ?
     
    D’une voix faible mais sereine, Charlotte Métaz expliqua qu’elle avait retenu ce prénom, d’abord parce qu’il sonnait clair et net, aussi parce qu’il était celui d’un héros contemporain, bien vivant et chevaleresque, le seul homme qui ait tenté d’arracher la reine Marie-Antoinette au bourreau, le chevalier Axel de Fersen. Elle ajouta que le comte nordique avait voyagé en Europe avec un mentor suisse, M. Bolemary, dont les Rudmeyer connaissaient la famille, et qu’il avait même habité Genève en 1774.
     
    Du fait de cette relation flatteuse, les Rudmeyer tenaient M. de Fersen pour un parfait gentilhomme et un homme courageux. N’avait-il pas fait la guerre d’Amérique comme aide de camp de Rochambeau ?
     
    Ces arguments étaient de nature à séduire Flora Baldini. Elle avait entendu parler, comme tous les familiers des Gardes- Suisses massacrés aux Tuileries, du culte amoureux que le comte suédois vouait à la reine de France, ainsi que des efforts qu’il avait déployés pour faire évader Louis XVI et sa famille. Évasion interrompue, le 21 juin 1791, à Varennes-en-Argonne, quand le roi et les siens avaient été reconnus et trahis par le maître de poste Drouet.
     
    – Va pour Axel, en souhaitant que mon filleul ne soit jamais aimé d’une reine, ce qui crée toujours des complications, dit Flora.
     
    Comme la marraine désignée, Guillaume avait été un peu surpris du choix de sa femme, puis il finit par l’admettre.
     
    – Axel Métaz, Axel Métaz, oui, oui, ça se compose agréablement à l’oreille comme en calligraphie, dit-il après avoir tracé prénom et nom en lettres bien moulées sur l’écritoire de Charlotte.
     
    Il ajouta après réflexion :
     
    » Ce prénom, inusité au pays de Vaud, donnera plus tard un ton neuf aux enseignes de la famille…
     
    Seul Chantenoz ironisa sur le prénom de l’enfant :
     
    – Cet Axel Fersen, que tu vois comme un Lancelot, était, à l’époque où il organisa la fuite de Marie-Antoinette, l’amant d’une ancienne danseuse italienne, Eleonora Franchi, épouse morganatique et répudiée du duc Charles-Eugène de Wurtemberg, à qui elle a donné deux enfants 1 . Elle a, depuis, contracté un nouveau mariage malheureux avec un officier anglais, avant de devenir amante partagée entre

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