Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
son tour que les yeux d’Axel Métaz étaient de couleurs différentes, il poussa une exclamation enjouée :
     
    – Alexandre le Grand avait le regard vairon, mes bons amis, comme sa mère, Olympias. Un œil gris, un œil violet qui fonçait quand il se mettait en colère ou réfléchissait fortement. Et aussi Anastasios I er , empereur d’Orient, ce qui ne l’empêcha pas de construire, vers l’an 500, l’enceinte de Constantinople et la fameuse tour de Galata. Ton fils, Guillaume, a d’illustres prédécesseurs. Sûr qu’il sera un grand homme !
     
    Blanchod, en tant que parrain et chasseur, se satisfit, comme Apolline, d’une référence canine.
     
    – Les bons chiens de chasse ont un œil bleu et l’autre marron ! Mon filleul sera un bon fusil… si vous voyez ce que je veux dire, fit-il, plus polisson que grivois.
     
    Pendant quelques semaines, toutes les femmes qui virent l’enfant donnèrent leur sentiment sur son regard bicolore, puis tout le monde oublia cette anomalie. Quand Charlotte commença à promener Axel dans son landau, en compagnie d’Élise Ruty, dont les jumelles apprenaient à parler, on considéra les jeunes femmes comme des mères comblées. M me  Métaz avait longtemps redouté qu’une personne de ses relations eût autre fois rencontré l’officier français au regard vairon, logé à Rive-Reine en mai 1800. Sans aller jusqu’à imaginer une infidélité de Charlotte, ni mettre de malice dans leur propos, tel homme ou telle femme aurait pu faire une réflexion anodine mais gênante du genre : « Tiens, le regard de votre garçon me rappelle celui d’un militaire que j’ai vu, il n’y a pas si longtemps, à Vevey. » Car, enfin, se disait la mère d’Axel, Blaise a circulé dans la ville, parlé avec des membres de la municipalité qui auraient pu conserver le souvenir de son étrange regard.
     
    » Cesse de te ronger les sangs, ma belle ! Les gens ne remarquent pas ces choses, comme ça en passant. Tu sais bien qu’il m’a fallu un moment pour m’apercevoir que ton Blaise n’a pas les yeux comme tout le monde », répétait Flora.
     
    Charlotte retrouva bientôt sa sérénité, voire son insouciance, et oublia de plus en plus fréquemment que le fils qu’elle avait donné à Guillaume n’était pas de lui ! Seule Flora lui rappelait parfois sa faute, en bougonnant qu’elle souffrait « d’être marraine d’un bâtard de Français », sans qu’on sût s’il s’agissait d’une taquinerie ou d’une attrition sincère !
     

    Fin juillet, quand on apprit à Vevey la signature d’une convention entre le gouvernement français et le pape Pie VII, les rares Vaudois catholiques se réjouirent. Le concordat reconnaissait la valeur morale du catholicisme auquel adhérait une majorité de Français, désavouait implicitement les persécutions antireligieuses de la Révolution et réglait les rapports entre l’Église et l’État. Cet événement considérable étant de nature à enlever à la cause monarchiste et aux émigrés qui la servaient un mobile majeur, les Métaz se plurent à imaginer que la paix internationale s’en trouvait renforcée. Dès lors, Charlotte se reprit à guetter des nouvelles de Blaise. Elle s’en ouvrit à Flora, ce qui déclencha entre les amies une discussion batailleuse, l’Italienne refusant de continuer ses bons offices pour acheminer le courrier des amants. Elle estimait que Charlotte devait mettre un terme à ses relations avec Fontsalte.
     
    – Tu as eu assez de chance jusque-là, pour ne pas tenter le diable en commettant de nouvelles imprudences, qui pourraient faire tout découvrir. Et, puisque tu ne veux pas que ton soudard sache ce qui est arrivé, le mieux est de l’oublier.
     
    Toutes ses craintes s’étant révélées vaines, Charlotte, amoureuse hors de danger, employa tous les arguments qu’elle put afin de convaincre Flora de la nécessité, pour son secret bonheur, de prolonger « une évasion romanesque par l’esprit, qui l’aidait à supporter la terne vie veveysanne ».
     
    – Et puis je ne commets pas grand péché en entretenant une correspondance avec un homme si lointain. Je me suis engagée, en confession, à ne jamais plus céder au plaisir physique hors du mariage, mais, que veux-tu, j’ai en moi un besoin de romance…
     
    – Taratata, taratata…, coupa Flora, incrédule.
     
    – Tu ne veux pas comprendre et, cependant, tu es la seule qui le puisse ! Toi, tu

Weitere Kostenlose Bücher