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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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trop malheureux. Axel est son fils. Nous seules connaissons la vérité. Jamais nous n’en reparlerons.
     
    – Entendu, Charlotte… Mais, diras-tu à Fontsalte, si tu le revois un jour, qu’il a un enfant suisse ?
     
    – Jamais, jamais, au grand jamais il ne devra savoir ! Cet enfant, je le donne à Guillaume comme sien, acheva Charlotte, avec une emphase involontaire qui fit sourire Flora.
     
    – C’est bien le moins que tu puisses faire, ma belle !
     
    Estimant que son amie avait recouvré assez de sang-froid pour faire face à la situation, M lle  Baldini s’esquiva, refusant, en dépit du souhait de Charlotte, d’attendre avec elle le retour de Métaz.
     
    Guillaume reçut la nouvelle avec calme. Quand il eut, lui-même, constaté l’anomalie du regard de son fils, il s’employa à consoler sa femme, imaginant que les larmes qu’elle ne put retenir exprimaient seulement son inquiétude de mère. La première décision de M. Métaz fut d’envoyer Polline chercher le médecin. Sans l’avouer, Guillaume ne ressentait qu’une crainte : celle que son fils devînt aveugle. Le praticien de Vevey se montra circonspect, mais plutôt rassurant. Il examina l’enfant, observa qu’il suivait parfaitement du regard le doigt que l’on passait devant ses yeux, ce qui, d’ailleurs, amusa Axel au point d’amener sur ses lèvres un premier sourire.
     
    – C’est un caprice de la nature. Il peut arriver qu’un individu ait les deux yeux de couleurs différentes, dit le médecin.
     
    – De ça, nous nous sommes déjà aperçus, docteur ! Mais cette bizarrerie peut-elle corrompre la vue du garçon ? demanda Guillaume.
     
    – Pour le moment, en tout cas, il y voit. Je dirais même qu’il y voit mieux que moi qui ai besoin de lunettes ! Mais peut-être pourriez-vous le montrer au docteur Carbonel, à Lausanne, c’est un oculiste réputé, ou au docteur Butini, à Genève. On vient les consulter de partout en Europe. Eux vous diront peut-être comment ce genre de défaut de l’iris peut évoluer.
     
    – Et comment s’explique pareil… accident ? risqua Charlotte.
     
    – On ne sait. Mais il est admis que le défaut intéresse l’iris le plus clair, se contenta de déclarer le praticien avant de quitter la maison.
     
    – Nous irons à Lausanne, à Genève, à Paris s’il le faut, dit Guillaume, s’efforçant de sourire.
     
    Apolline, qui avait suivi la conversation par l’entrebâillement de la porte, s’approcha des époux, debout près du berceau.
     
    – Chez nous, au pays d’En-Haut, certains chiens de berger ont les yeux comme votre garçon. J’en ai vu plus d’un. Ils sont meilleurs que les autres pour garder les bêtes et même à la chasse. Alors, vous tourmentez pas avec ça. Votre Axel, il sera pas aveugle, dit la servante, l’air entendu.
     
    – Demain, nous irons à Lausanne voir Carbonel, trancha Guillaume.
     
    Ils emmenèrent avec eux la nourrice, afin qu’elle sût comment traiter l’enfant si le médecin ordonnait des soins ou des remèdes. Pendant tout le trajet, Axel gazouilla comme si les tressautements du coupé, amortis par des ressorts du modèle le plus récent, lui procuraient du plaisir.
     
    – Qui pourra se vanter d’avoir fait pareil voyage à un âge aussi tendre ? remarqua Guillaume, qui appréciait le confort du grand coupé et caressait de temps en temps la joue de Charlotte. Allez, allez, ne te fais pas de mauvais sang ! Quelque chose me dit que notre fils sera de toutes les façons différent des autres, supérieur aux autres, une sorte de génie, peut-être. Sans compter qu’avec des yeux comme ça pas une fille ne lui résistera ! Je le vois, tiens, au bal des vendanges dans quelques années. La brune, la blonde ou la rousse regarde ses yeux, voit tout le mystère de ces couleurs, est comme prise dans le faisceau de deux regards et, ne sachant auquel se vouer, tombe en pâmoison dans les bras du beau garçon !
     
    – Mon Dieu, Guillaume, tu vas bientôt battre Martin en imagination, dit M me  Métaz, qui s’appliquait à tenir le diapason de son mari, dissimulant sa crainte de ce que pourrait révéler le médecin lausannois.
     
    Elle eût souhaité faire halte chez sa tante avant de se rendre au cabinet du praticien, mais Guillaume, pressé d’obtenir une consultation, ne l’entendit pas ainsi.
     
    – On ira dire le bonjour à Mathilde après le docteur, si on a le temps. Nous devons rentrer ce soir même

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