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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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demandant si Titus avait pu, à cette heure-là, délivrer son message à M me  Métaz.
     
    Les nuages capricieux cachaient puis dévoilaient la lune, avant de la dissimuler à nouveau, quand il jugea le moment venu de retourner à Altdorf. Avant d’entrer en ville, il attacha son cheval dans un bosquet et se dirigea, à pied, vers l’église derrière laquelle un sentier escarpé conduisait, en quelques minutes, au couvent des capucins situé à flanc de montagne. Tout dormait quand il approcha des bâtiments. Il en fit le tour, trouva le porche et constata sans surprise que la porte était verrouillée. Prenant un peu de recul, il réussit à distinguer ce qui devait être le petit clocher de l’oratoire et choisit d’escalader le mur à proximité du sanctuaire. Une fois dans la place, il dut traverser une cour, redoutant à chaque instant l’aboiement d’un chien. Il n’entendit, en longeant l’étable, que le vague remuement d’une vache insomniaque. La porte de la chapelle s’ouvrit en grinçant et Blaise, l’ayant refermée derrière lui, la bloqua avec un banc. Il savait que les moines, par exigence de mortification, se relèvent souvent la nuit pour prier, agenouillés sur les pierres tombales de leurs prédécesseurs. Aussi convenait-il de ne pas se laisser surprendre par l’arrivée inopinée d’un capucin en quête d’indulgences plénières ! La lampe rouge du saint sacrement répandait dans la chapelle une clarté mystique mais insuffisante. L’officier tira de sa poche une queue-de-rat 9 , l’alluma avec son briquet d’amadou et s’assit pour examiner les lieux. « Où diable cacherais-je un portefeuille dans cette chapelle si j’avais à le faire ? » se demanda-t-il. Il pensa au soubassement du bénitier, au placard où l’on rangeait les antiphonaires, à l’estrade qu’il souleva, mettant en fuite une famille de souris, au lutrin, dont il examina le pied creux, et, finalement, admit que le seul endroit réputé inviolable par un chrétien restait le tabernacle.
     
    Le fédéraliste avait parlé du père abbé, or seul le père abbé pouvait utiliser un tel abri sacré pour cacher des papiers secrets. Blaise approcha de l’autel, tira son couteau, leva le rideau de soie brodé de fils d’or qui couvrait la porte de bronze doré du tabernacle et la força. À cet instant, il imagina la stupéfaction de sa mère si elle avait pu le voir violer l’abri sacré ! C’est en pensant à elle qu’il fit une génuflexion avant de saisir le ciboire contenant les hosties, vrai sacrilège, sans doute puni d’excommunication majeure ! Avec autant de respect que le permettaient les circonstances, l’officier explora des doigts et du regard l’intérieur du tabernacle et retint une exclamation de joie. Le portefeuille qu’il avait eu en main l’après-midi même était là ! Le temps de remettre le ciboire en place, de refermer la porte du tabernacle en demandant à Dieu de pardonner cette intrusion, Blaise quitta l’oratoire avec son butin. Un quart d’heure plus tard, sous la lune complice, le voyageur nocturne trottait vers le sud.
     

    Après avoir parcouru soixante-cinq lieues en cinq jours, Fontsalte, aussi fourbu que sa monture, arriva, au soir du 17 juin, à Ouchy. Il se fit préparer un bain tiède, s’y endormit, fut réveillé par Trévotte, avala la moitié d’un jambon et une omelette de dix œufs, et se mit au lit en demandant à son ordonnance de veiller à ce qu’on le laissât cette fois dormir tout son soûl. Le colonel ne reprit conscience que le lendemain, au milieu de l’après-midi. Toute trace de fatigue avait disparu et, après un repas pris dans la salle de l’auberge, il s’en fut marcher au bord du lac, autour du donjon ruiné, seul vestige d’un château médiéval détruit au xvii e  siècle. Ouchy n’était plus que le port de Lausanne. Alors que le crépuscule mauve s’annonçait en finale d’une belle journée d’été, l’officier s’éloigna sur la berge, supputant le plaisir que pourrait lui apporter le lendemain. M me  Métaz n’avait-elle pas paru, au dire de Titus, très émue et heureuse à la pensée de le revoir enfin ? Trouverait-il Dorette aussi belle et ardente qu’il l’avait laissée trois ans plus tôt ? Peut-être était-elle maintenant mère de famille, grasse et les joues marquées de couperose, comme beaucoup de femmes du pays dont le soleil d’été et les froids vifs de l’hiver cuisaient le

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