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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Fontsalte que sa lettre me cause un immense plaisir et que nous pourrons nous rencontrer à Lausanne, le 19 juin prochain, à onze heures du matin, sur la terrasse de la cathédrale. Dites surtout, monsieur Titus, que mon amitié pour M. de Fontsalte n’a pas varié.
     
    – C’est bien, madame ; la commission sera faite, assura le Bourguignon.
     
    Après un moment d’hésitation, il ajouta :
     
    » Si vous pouvez dire à M lle  Flora que le féroce Titus n’a ni regrets ni remords ni rancune et qu’il lui souhaite bien du bonheur, vous m’obligerez, madame, conclut-il en se recoiffant.
     
    Charlotte reprit aussitôt la descente vers Vevey, tandis que Trévotte, au petit trot, s’engageait, à travers les vignes, sur le chemin qui, à l’opposé, par Saint-Saphorin, rejoignait la route de Lausanne.
     
    Avant d’arriver à la berge du lac et d’entrer en ville, Charlotte relut une fois encore la lettre de Blaise. Ce message lui procurait la griserie réconfortante d’un cordial, un regain de gaieté, de confiance en la vie, mais aussi éveillait en elle un angoissant soupçon quant à la loyauté de Flora. Qu’était-il advenu des lettres expédiées par Blaise ? La sienne, annonçant à l’officier le voyage à Paris, avait-elle jamais été envoyée ? L’insistance que son amie mettait depuis des mois à lui faire admettre la rupture d’une liaison qu’elle avait toujours désapprouvée augmentait ses craintes et fournissait, peut-être, une réponse aux questions qu’elle se posait. M me  Métaz voulut en avoir le cœur net sur-le-champ et, bien que l’après-midi fût avancé, elle se rendit jusqu’à l’épicerie de La Tour-de-Peilz. Flora y remplaçait sa sœur, partie pour un séjour dans un hôtel de Rome où son époux, garde pontifical, pouvait la rejoindre en dehors de ses heures de service au Vatican.
     
    – J’ai enfin des nouvelles de M. de Fontsalte, dit-elle d’emblée et d’un ton triomphant en entrant dans la boutique.
     
    – Mieux vaut tard que jamais… Tu l’as rencontré place du Marché ?
     
    – Il m’a fait porter une lettre par son ordonnance, un malotru que tu connais bien. M. Titus m’a même chargée de te transmettre ses vœux de bonheur, après avoir dit qu’il n’a ni regrets ni remords ni rancune pour… ce qui s’est passé, autrefois, entre vous !
     
    – Le misérable, qu’il vienne rôder par ici, je le perce comme une outre !
     
    S’étant saisie du grand couteau à découper le jambon, Flora, blême et les maxillaires serrés, éventra d’un geste violent un sac de riz. Le grain se répandit sur le plancher.
     
    Charlotte se mit à rire, ce qui exaspéra Flora.
     
    – Tu peux rire, ah ! oui, ça t’amuse ! Eh bien, tu verras ! Que ce chien se montre et…
     
    – Calme-toi. Je ne pense pas qu’il soit dans les intentions de cet invalide à jambe de bois de jamais venir te faire des compliments. Et puis tu as déjà tenté une fois de lui donner un coup de couteau et tu sais comment cela a fini. Non ! Flora. Dis-moi plutôt ce que tu as fait des lettres de Blaise qui ont dû arriver ici, quatre depuis le mois d’octobre ! Dis-moi, Tignasse ne t’a pas donné de lettres… d’émigrés, à faire suivre ?
     
    – Parce que ton soudard dit qu’il t’a écrit… et tu le crois !
     
    – Il me dit aussi qu’il n’a jamais reçu ma lettre de juillet 1802 et celle-là, c’est moi qui l’ai écrite… et tu étais chargée de l’expédier. Alors, explique-moi, dit M me  Métaz, soudain en colère.
     
    Flora prit un air faussement affligé.
     
    – Ma pauvre Carlotta, tant de choses se sont perdues… ou égarées, pendant les événements de l’été dernier. Souviens-toi des incendies allumés par les Bourla-Papey, puis de la guerre entre fédéralistes et unitaires, puis de l’arrivée des Français. Alors, la poste, tu penses !
     
    – La poste a toujours fonctionné. Guillaume a reçu régulièrement son courrier et tu oublies que, pendant que j’étais à Paris, nous nous sommes écrit, nous deux ! Non, la vérité, Flora, c’est que tu n’as pas envoyé ma lettre de juillet, parce que tu ne voulais pas que Blaise fût prévenu de ma présence à Paris et que, depuis, tu ne m’as pas donné ses lettres, qui ont dû arriver chez Tignasse. Avoue, mais avoue donc, toi qui te dis mon amie, ma sœur !
     
    Flora Baldini demeura un instant silencieuse, le visage crispé, fixant

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